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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/242

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LA FEMME DU DOCTEUR.

que les pauvres meurent de faim, le riche doit s’attendre à ce qu’on le vole au moyen de faux, — faisait remarquer Horace Sleaford d’un ton réfléchi, en discutant la question de la culpabilité de son père.

Les sympathies du gamin ne s’arrêtaient pas là : il emprunta un exemplaire malpropre et dilapidé du délicieux roman de M. Ainsworth, dans un cabinet de lecture, et il étudia minutieusement la description que l’auteur fait de Newgate à l’époque de Jack Sheppard, avec l’idée de préparer l’évasion de monsieur son père.

Tout considéré, la chose n’était pas si douloureuse ; car Jack le Scribe ne fut pas assez imprudent pour reconnaître sa faute. Il prétendit qu’il était victime des circonstances, l’associé innocent d’hommes dangereux, poussé à la folle action de signer le nom de son prochain par suite du complot formé par ses compagnons. Tout endurci qu’il fût par l’expérience d’une carrière longue et douteuse, il ressentait une sorte de honte naturelle, et il fit tout ce qu’il put pour tenir sa femme et ses enfants éloignés de lui-même et de ses crimes. Quelque amertume qu’un sceptique affiche en parlant de l’égoïsme et de la sécheresse du cœur des hommes, un homme trouve presque toujours quelqu’un pour l’aider dans les crises suprêmes de son existence. Sleaford trouva des amis, gens obscurs et vulgaires, au moyen desquels il put éloigner sa famille avant sa comparution à Old Bailey. Les garçons, toujours altérés de renseignements à la Jack Sheppard, lisaient en fraude, dans leur mansarde, les comptes rendus quotidiens des tribunaux ; mais Isabel ne vit rien des journaux qui racontaient l’histoire des méfaits de son père, et ce ne fut qu’à la fin, lors-