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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/258

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LA FEMME DU DOCTEUR.

coup eût été terrible ; mais pas aussi horrible que cette idée de savoir que George était dans la maison, et que cependant George n’existait plus. Incessamment, son esprit revenait sur ses pas ; incessamment la perception nette de ce qui s’était passé lui échappait, et elle se surprenait faisant de petits discours, — des discours contrits et repentants, — exprimant le regret qu’elle avait de ses fautes. Puis, brusquement, la scène si vive du lit de mort lui revenait, et elle entendait cette voix sourde murmurant faiblement des paroles d’amour et de louange.

Pendant tout ce temps l’image de Roland ne se présenta pas à son esprit. Dans cette obscurité compacte et terrible qui remplissait son âme, cette brillante et splendide personnalité ne pouvait trouver place. De temps en temps elle pensait à M. Colborne d’Hurstonleigh, et ressentait un vague désir de le voir. Peut-être aurait-il pu lui rendre quelque courage ; il aurait pu lui rendre plus facile à supporter l’idée du terrible mystère qui s’était accompli au-dessus d’elle. Une ou deux fois elle essaya de lire quelques-uns des chapitres qui lui paraissaient si beaux dans la bouche du prêtre populaire ; mais même du saint volume de sombres et funèbres images surgissaient pour la terrifier ; elle voyait Lazare sortant de son tombeau, livide sous son suaire : la mort et l’horreur semblaient être partout et en toutes choses.

Après la première explosion de chagrin violent, auquel se mêlait une indignation profonde contre la femme qu’elle croyait avoir été coupable et négligente, Mathilda ne fut pas impitoyable pour cette enfant terrifiée qui venait de devenir veuve. Elle porta une tasse de thé dans le parloir obscur où Isabel s’était