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LA FEMME DU DOCTEUR

réfugiée, et frissonnait de froid par moments, et elle réussit à faire prendre le breuvage réconfortant à la pauvre créature effrayée. Elle essuya ses propres larmes avec son tablier pendant qu’elle parlait à Isabel de patience et de résignation, de soumission aux volontés de la Providence, toutes ces théories consolantes qui sont douces à celui qui a la foi, alors même que son affliction est la plus profonde.

Isabel n’était pas encore une femme religieuse : la foi qui est plus forte que la mort lui manquait à cette heure terrible ; elle s’essayait à peine au bien ; — elle s’essayait à peine, à sa manière naïve, demi-enfantine, à ressembler à ces créatures saintes et heureuses dont M. Colborne avait raconté la vie, en s’étendant avec une énergie tendre et ravie sur la perfection de leurs vertus ici-bas, la splendeur de leur récompense dans un monde meilleur. Elle s’essayait à peine au bien et le nouveau courant de son existence avait été troublé par la mort de George, comme par une tempête soudaine. C’était encore une enfant, faible et frivole, terrifiée par la présence de l’effroyable visiteuse qui venait d’entrer dans la maison. Pendant toute la soirée qui suivit la mort de son mari, elle resta dans le petit parloir, essayant parfois de lire un peu, le plus souvent les yeux vaguement fixés sur la mèche fumeuse de la chandelle, qui ne fut mouchée qu’une fois, lorsque Mathilda vint dans la chambre « pour tenir un instant compagnie à la malheureuse créature, » dit-elle à son mari, qui était assis au coin du feu dans la cuisine, les coudes sur les genoux et le visage caché dans les mains, songeant à ces jours écoulés pendant lesquels il avait coutume d’aller chercher le défunt à l’école commerciale de la route de Wareham.