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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/260

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LA FEMME DU DOCTEUR.

Il y avait un grand nombre d’allées et de venues, un bruit incessant de pas discrets marchant de long en large, à ce qu’il parut à Isabel, et Mathilda, même au milieu de son chagrin, semblait avoir une occupation qui l’absorba pendant toute l’après-midi. La femme du médecin s’était imaginé que tous les bruits et tous les mouvements devaient cesser, — que la vie elle-même devait faire une pause, — dans une maison que la mort avait visitée. D’autres pouvaient ressentir un chagrin plus violent que le sien ; mais nul n’éprouvait une frayeur de la mort aussi profonde que celle qu’elle endurait. Assez tard, Mathilda lui apporta à souper sur un petit plateau ; mais elle le repoussa et fondit en larmes. Il semblait y avoir une sorte de sacrilège dans ce transport d’aliments et de boissons, pendant qu’il était couché là-haut ; lui, dont le chapeau était encore accroché dans le vestibule, dont les papiers, les bouteilles d’encre et les livres étaient proprement arrangés sur un des vulgaires casiers auprès de la cheminée. Ah ! combien de fois n’avait-elle pas maudit ces livres de médecine pour être ce qu’ils étaient au lieu d’être des éditions de Zanoni et d’Ernest Maltravers ! Maintenant que celui auquel ils appartenaient était mort, cela semblait presque un crime d’entretenir une mauvaise pensée à leur égard.

Ce fut en vain que Mathilda la supplia de monter dans la chambre qui faisait face à celle dans laquelle reposait le médecin ; ce fut en vain que la digne femme lui demanda paisiblement d’aller le voir, maintenant qu’il reposait si paisiblement dans la chambre nouvellement arrangée, et de poser sa main sur son front de marbre, afin que son ombre ne vînt pas troubler