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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/261

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LA FEMME DU DOCTEUR

son sommeil. La jeune femme secoua la tête d’une façon éperdue.

— J’ai peur, — dit-elle d’un ton pitoyable, — j’ai peur de cette chambre. Je ne pensais pas qu’il pouvait mourir. Je sais que je n’ai pas bien agi. C’était mal de toujours penser à d’autres et jamais à lui ; mais je ne pensais pas qu’il pouvait mourir. Je sais qu’il s’est montré très-bon pour moi, et je me suis efforcée de lui obéir, mais je suis sûre que j’aurais été tout autre si j’avais su qu’il était en danger de mort.

Elle tira le tiroir de la table où se trouvaient les chaussettes à réparer roulées en grosses boules, avec des aiguilles plantées çà et là au travers. Il y avait là dedans même une preuve de sa négligence. Elle les avait reprisées un peu dans les derniers temps, — alors qu’elle cherchait à bien faire, — mais pas plus que les autres elle n’avait terminé cette œuvre. Ah ! quelle pauvre créature elle était, après tout ! créature pleine de résolutions faibles, formées seulement pour être oubliées ; créature faible et vacillante, pleine de désirs et d’aspirations nuageux, — prenant un instant de nobles résolutions, pour céder plus déplorablement un moment après.

Elle demanda qu’on lui permît de passer la nuit en bas, sur le petit canapé ; et Mathilda, voyant qu’elle était réellement oppressée par quelque terreur puérile de l’étage supérieur, lui apporta quelques couvertures et quelques oreillers, et une veilleuse qui devait brûler toute la nuit.

Ce fut donc dans cette chambre familière, dont le moindre meuble faisait partie de sa vie monotone, qu’Isabel passa la première nuit de son veuvage, couchée sur le petit canapé et ne perdant pas un