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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/269

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LA FEMME DU DOCTEUR

sa colère concentrée contre elle parce qu’elle refusait de fuir avec lui ; enfin à la mort de son mari. C’était une longue et fastidieuse histoire de chagrins et de douleurs.

— Je vieillis, Isabel, — reprit Raymond, — mais je n’ai jamais perdu mes sympathies pour la jeunesse et sa fraîcheur. Je crois, au contraire, que cette sympathie n’a fait que croître et devenir plus forte avec les années. Il y a un jeune homme qui m’a toujours été très-cher… plus cher que je ne saurais vous le faire comprendre, à moins que je ne vous dise le lien subtil qui m’attache à lui. Je pense qu’il y a quelques pères qui ont un amour aussi profond pour leurs fils que celui que je porte à l’homme dont je parle ; mais j’ai toujours trouvé que l’amour paternel était un sentiment bien tiède, comparé à mon affection pour Roland.

Roland !… C’était la première fois qu’elle entendait prononcer son nom depuis le dimanche pendant lequel son mari était tombé malade. Ce nom lui traversa le cœur avec une sensation presque douloureuse. Un petit rayon rougeâtre de soleil éclaira brusquement l’obscurité de sa vie. Elle se couvrit le visage de ses mains comme pour se défendre d’une lumière réelle.

— Oh ! ne parlez pas de lui… — dit-elle d’un ton suppliant. — J’ai si mal agi… je pensais tant à lui… mais je ne supposais pas que mon mari mourrait. Je vous en prie, ne parlez pas de lui ; cela me fait tant de mal d’entendre son nom !

Elle se mit à sangloter en faisant cette dernière prière. Elle se rappelait le visage furieux de Roland à l’église ; son salut étudié pendant l’entrevue nocturne