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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/271

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LA FEMME DU DOCTEUR

vous voir, Isabel ; il ignore, du reste, la mort de votre mari que j’ai apprise moi-même en venant ce matin. Il désire vous voir, ma pauvre enfant ! Pensez-vous que vous puissiez venir.

Elle se leva et inclina lentement la tête en signe d’adhésion, mais l’expression d’horreur du premier moment ne disparut pas de son visage. Elle se dirigea vers la porte comme si elle voulait partir sans tarder, — habillée comme elle était et enveloppée dans son vieux châle.

— Vous ferez bien de dire à votre femme de charge de vous habiller tandis que je vais aller louer une voiture, — dit Raymond. Puis, la regardant en face, il ajouta : — Pouvez-vous me promettre d’être très-calme et très-tranquille quand vous le verrez ? Il vaut mieux ne pas venir si vous ne me promettez cela. Ses moments sont comptés ; mais la moindre émotion violente serait immédiatement fatale. N’oubliez pas que les dernières heures d’un homme lui sont très-précieuses ; les derniers moments de celui qui sait que sa fin est proche forment une période mystique et sacrée dans laquelle le monde s’éloigne bien loin de lui et où il est transporté dans une sorte de région mixte entre cette vie et la vie future. Je désire que vous vous rappeliez cela, Isabel. L’homme que vous allez voir n’est pas celui que vous avez connu autrefois. Il n’y aurait pour l’homme que bien peu d’espoir après la mort, si l’approche du moment suprême le laissait insensible.

— Je ne l’oublierai pas, — répondit Isabel.

Elle ne pleurait plus depuis qu’elle avait appris le danger de Roland. Peut-être ce coup nouveau et plus terrible lui avait-il donné une force surnaturelle. Et