Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
LA FEMME DU DOCTEUR

mais dans ses meilleurs jours, alors que son portrait était exposé chez tous les marchands du West End et que son nom était synonyme d’élégance et de beauté, — jamais elle n’avait paru aussi parfaite qu’en ce moment, assise, pâle, calme et résignée, auprès du lit de mort de l’homme qu’elle aimait.

Pendant cette longue nuit de veille, l’esprit de Lansdell avait paru à de certains moments d’une lucidité singulière, — les blessures fatales qu’il avait reçues sur le crâne n’avaient pas eu d’effet sur son intelligence. Celle-ci avait, il est vrai, été obscurcie par moments sous l’influence du délire ; mais la suprématie de l’esprit sur la matière ne tardait pas à s’affirmer de nouveau, et le jeune homme parlait avec plus de calme qu’à l’ordinaire. Toutes les fantaisies de la passion, la mutabilité de dessein, — tantôt ardent, tantôt glacial ; généreux aujourd’hui, cruel demain, — toute faiblesse de nature, semblait avoir disparu et un calme indicible s’être étendu sur son cœur et sur son esprit.

— Je n’aurais jamais pensé que cela en fût venu là, Gwendoline, — dit-il. — Que Dieu ait pitié de moi ! Quels jugements présomptueux j’ai portés sur les limites du possible et les transformations de la matière ! et de quelle impuissance absolue j’ai fait preuve pour comprendre une transformation telle que celle qui s’est opérée en moi depuis quelques heures ! J’ai souvent ri au récit du repentir d’hommes de bien à leurs derniers moments, et de ces paroles simples et pieuses que le chrétien prononce en mourant ; et cependant… cependant, Gwendoline, ce changement s’est opéré, et je pense que je vois un peu plus loin aujourd’hui qu’autrefois. Quelque chose… quelque