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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/289

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LA FEMME DU DOCTEUR

on ne pouvait pas attendre mieux d’un homme qui n’avait assisté au service divin qu’une seule fois en six semaines, et qui avait scandalisé une assemblée pieuse et digne par des bâillements qu’il ne prenait pas la peine de cacher et une contemplation vague de ses ongles en amande pendant la prose correcte d’un long sermon.

Le pasteur ne comprenait pas cette conversion imparfaite, exprimée en paroles qui n’étaient rien moins qu’orthodoxes ; mais en somme l’état des choses dans cette chambre mortuaire était bien meilleur qu’il ne s’y était attendu. Il avait entendu dire que Lansdell était un libre penseur, — un déiste, un athée même, avaient dit certaines personnes ; et il s’était pour ainsi dire attendu à trouver le jeune homme blasphémant pendant son agonie. Il n’était pas préparé au spectacle de cette fin tranquille ; à trouver un homme qui mourait le sourire aux lèvres, murmurant alternativement des fragments de l’Évangile selon saint Jean et du poème In Memoriam, de Tennyson. Addisson lui-même, qui donnait sa propre conduite comme un modèle à l’humanité chrétienne, aurait à peine pu finir plus dignement que ce jeune oisif sceptique, dont la manière de vivre, vaguement racontée après dîner dans son pays, avait scandalisé tout le Midland.

— J’ai vu ma mère mourir, — dit Roland, — et cependant je ne pus accepter la foi simple qui la rendait si heureuse. Mais je pense que Paul avait dû voir des choses étonnantes avant le voyage de Damas. N’avait-il pas assisté au martyre d’Étienne, et n’était-il pas resté insensible ? L’heure sonne et le miracle se produit. Ah ! quelle existence futile et inutile j’ai menée depuis ces dix dernières années ! et uniquement parce que je ne pouvais comprendre —