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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/290

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LA FEMME DU DOCTEUR.

parce que je ne voyais rien au delà. J’aurais pu faire tant de choses, peut-être, si j’avais pu seulement voir mon chemin au delà des contradictions et des perplexités de cette vie. Mais je ne pus… je ne pus, malgré mes efforts, et je retombai dans mon oisiveté pesante, sans conscience et sans but, errant au hasard et en aveugle.

Le pasteur resta dans la maison, après avoir quitté la chambre de Roland. Peut-être ne tarderait-on pas à le rappeler pour donner au mourant quelques consolations plus orthodoxes que celles tirées des poésies de Tennyson.

Mais Roland semblait très heureux, — plus heureux qu’il n’avait été dans sa jeunesse, alors qu’il fit ce court effort pour être utile aux ouvriers. Son visage était radieux, en dépit de sa pâleur mortelle, — une sorte d’éclat spirituel indépendant de la perte de sang, ou du ralentissement de ce pouls que les médecins de Londres tâtaient si fréquemment. Pendant les deux ou trois heures qui suivirent la lutte dans le Ravin de Nessborough il était resté complètement évanoui ; puis il était lentement revenu à lui pour voir les étoiles pâlir au-dessus de lui, et pour entendre la brise matinale courir avec un bruit fantastique parmi les hautes herbes. Il s’éveilla au sentiment qu’un événement fatal l’avait atteint, mais il fut quelque temps sans se rappeler sa rencontre avec Sleaford.

Il essaya de se mouvoir, mais il s’en trouva absolument incapable ; — une paralysie partielle avait changé ses membres en plomb. Force lui fut de rester où il était tombé ; ayant vaguement conscience du scintillement plus pâle des étoiles, de la brise légère ridant la surface d’un ruisselet éloigné, de tous les