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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/294

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LA FEMME DU DOCTEUR.

vains, quand il ne fait que déguiser sa malice et sa jalousie sous le manteau d’une critique qui affecte d’être impartiale. J’imitais le style et les charmants procédés du maître, et j’en habillais mes pitoyables productions ; mais maintenant, et maintenant seulement, je comprends combien il est supérieur au poète. Isabel, il a écrit l’évangile de son siècle. Il m’a dit ce que je suis : « Un enfant pleurant dans la nuit ; un enfant pleurant après la lumière et n’ayant pas d’autre langage qu’un cri. »

Ce furent là les dernières paroles que Roland adressa jamais à la femme du médecin. Il retomba dans le même demi-sommeil d’où il était sorti pour lui parler ; et quelqu’un, — elle n’aurait pas su dire qui, — quelqu’un lui fit quitter la chambre du malade et la conduisit dans une autre pièce dont les jalousies étaient à demi relevées et que le soleil inondait de ses rayons.

Puis, comme dans un rêve, elle se trouva couchée sur un lit, un lit qui semblait plus moelleux que les vagues de la mer et autour duquel pendaient des rideaux de soie vert pâle et de mousseline transparente. Un vague parfum d’encens flottait dans l’air de cette chambre. Comme dans un rêve, Isabel vit Gwendoline et la garde-malade penchées vers elle ; puis l’une d’elles lui dit de dormir, qu’elle devait avoir besoin de repos, qu’elle avait été cruellement éprouvée depuis quelque temps.

— Vous êtes avec des amis, — dit une douce voix patricienne. — Je sais que j’ai mal agi envers vous, pauvre enfant ; mais je lui ai promis d’être votre amie.

Les rideaux soyeux tombèrent bruyamment et s’interposèrent entre Isabel et la lumière, et elle eut