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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/303

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LA FEMME DU DOCTEUR

plus tranquilles et plus éloignées. Il avait en poche un capital de cinquante livres sterling. Avec cette somme pour base, Jack le Scribe se sentait capable d’étonner, — pour ne pas dire de soulever, — l’univers ; et si l’usage indiscret de sa canne plombée lui rendait imprudent le séjour de son pays natal, les occasions ne manquaient pas aux États-Unis pour un homme de son génie. En Amérique, — de l’autre côté, comme il avait entendu ses amis transatlantiques désigner leur pays, — il trouverait certainement des tréteaux convenables pour la SOCIÉTÉ MUTUELLE ET COOPÉRATIVE DES AMIS SINCÈRES. Le genre dupe est cosmopolite, et l’Arcadien transatlantique se montrerait tout aussi disposé à envoyer ses timbres-poste que le citoyen de Bermondsey ou de Camden-Town. Déjà, en pensée, Sleaford voyait une annonce gigantesque de sa grande entreprise s’étalant sur la dernière page d’un journal quotidien. Déjà il se voyait exploitant la naïveté des New-yorkais, et s’éloignant, enrichi et joyeux, de cette ville délicieuse, juste au moment où les Arcadiens commenceraient à s’impatienter un peu au sujet de la conclusion des opérations et à se montrer indociles dans l’envoi des timbres-poste.

Ayant donc décidé l’opportunité d’un départ immédiat d’Angleterre, Sleaford ne perdit pas de temps à exécuter sa résolution. Il se dirigea vers le soir du côté des ruelles et des passages malpropres qui avoisinent le pont de Londres. Là il obtint tous les renseignements désirables sur les paquebots en partance prochaine pour New-York ; et le lendemain matin, de très-bonne heure, chargé d’un sac de nuit et d’une valise minuscule, Jack le Scribe quitta Euston-Square se dirigeant vers Liverpool, d’où il partit, cette fois