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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/38

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LA FEMME DU DOCTEUR.

fit avec du papier à lettres un petit cahier dans lequel elle prit des notes sur les sermons du curé et du vicaire, mais l’un et l’autre de ces messieurs avaient un faible pour discuter des questions de doctrine fort abstraites et qui dépassaient de beaucoup la portée de Mme Gilbert. La femme du médecin ne tarda pas à trouver la tâche de secrétaire excessivement difficile. Elle s’efforça de toute sa faible volonté de se repentir de ses péchés et de faire le bien. Elle coupa ses mauvaises robes et en fit des robes pour quelques enfants pauvres, et se procura, chez un libraire de Conventford, quelques traités incolores qu’elle distribua avec les robes, car elle avait comme une idée vague qu’un présent charitable était incomplet s’il n’était accompagné d’un traité.

Hélas ! pauvre enfant sentimentale ! cet effort pour être bonne, pieuse et utile ne lui réussit guère. Elle se mit très-bien avec quelques filles de paysans qui avaient été élevées à l’école nationale et qui aimaient autant qu’elle-même la lecture des romans ; elle fraternisa avec ces demoiselles et leur prêta quelques volumes dépareillés de sa petite bibliothèque, et même, à l’occasion, elle leur faisait la lecture à voix haute. Une certaine fois, le pasteur de Graybridge, pénétrant dans une chaumière où elle se trouvait, fut charmé d’entendre le bourdonnement d’une voix humaine et loua Mme Gilbert de son dévouement à la bonne cause. Peut-être eût-il été moins satisfait s’il avait connu l’objet de la lecture, qui était relatif à certain personnage à morale légère et à instincts de boucanier, un personnage qui « légua aux siècles à venir le nom d’un corsaire uni à une seule vertu et à des milliers de crimes. »