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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/58

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LA FEMME DU DOCTEUR.

n’avait rien qui la rendît supérieure aux autres femmes. De jour en jour ma conviction s’empara davantage de mon cœur. Je ne puis vous expliquer ces choses. Une pareille discussion est une sorte de profanation. Je puis seulement vous dire que je suis revenu en Angleterre avec un projet déterminé. Ne vous jetez pas sur ma route ; vous avez fait votre devoir, et vous pouvez vous laver les mains à mon sujet avec une satisfaction toute chrétienne : vous n’avez plus rien à faire dans cette galère.

— Quel malheur, Roland, que vous en soyez venu à me parler ainsi ! Ne vous reste-t-il aucun sentiment de sincérité et d’honneur ? N’avez-vous même pas l’instinct naturel à un gentilhomme ? N’aurez-vous pas pitié de ce pauvre diable d’honnête homme qui vous juge d’après lui et qui a aveuglément foi en vous ? N’avez-vous pas la moindre pitié pour lui, Roland ?

— Je suis très-fâché pour lui ; je regrette la grande erreur de sa vie. Mais pensez-vous qu’il puisse jamais être heureux avec cette femme ? Je les ai vus ensemble, et je connais la valeur de ce grand mot « union » en ce qui les concerne. Toute l’immensité terrestre ne pourrait les séparer plus qu’ils ne le sont maintenant. Ils n’ont pas un seul sentiment en commun. Raymond, je vous le dis, je ne suis pas absolument un misérable ; il me reste encore quelques vagues souvenirs de cet instinct naturel dont vous venez de parler. Si j’avais vu Isabel heureuse avec un mari qui l’aimât, qui la comprît, et qui fût aimé d’elle, je me serais tenu à l’écart ; j’aurais étouffé les pensées qui auraient pu s’élever contre cette sainte union. Je ne suis pas assez vil pour dérober la lampe qui éclaire la maison d’un honnête homme. Mais si je trouve un homme