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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/290

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LA VIE DE FAMILLE

jeunes quakeresses ; le mari paraissait malade. Ils allaient au Sud par raison de santé. Le jour suivant, nous eûmes beau soleil, mais il fit froid jusque vers midi, et alors nous passâmes tout à coup à la chaude température du printemps. On aurait dit de la magie. Le ciel et la mer étaient inondés d’une lumière dorée, l’air était plein de vie et de suavité ; c’était merveilleusement beau et divin ! Tout mon être nageait dans cette magnificence. J’évitai les conversations interrogatives, et, me tenant seule sur le pont, je vis le soleil se coucher et la pleine lune se lever avec une douce splendeur, l’étoile polaire s’allumer à une distance toujours plus grande de moi, Orion et Sirius monter au zénith. Les heures s’écoulaient sans que je songeasse à autre chose, sinon que le monde était beau et son Créateur grand et bon ; je n’éprouvais d’autre crainte que celle de voir interrompre ce saint silence, le calme et la joie de mon âme. Je vis de jeunes maris monter sur le pont avec leurs femmes pour admirer la lune ; d’autres couples leur succéder, tendres et roucoulants comme des colombes ; je vis les « amis » assis l’un près de l’autre, et regardant aussi la lune qui éclairait leur doux et paisible visage ; je vis les rayons de cet astre danser sur les vagues, tandis que nous voguions sur des eaux calmes vers le cap Hatteras, dont le fanal, semblable à une grande et brillante étoile, se montrait au sud de l’horizon. Cet endroit est dangereux pour les navigateurs ; les coups de vent violents, les ouragans y sont habituels, et bon nombre de grandes infortunes de mer ont eu lieu près du cap Hatteras ; elles ne s’approchèrent pas de nous. Les vagues dansaient, le vent resta silencieux, les tourterelles roucoulèrent, les amis s’endormirent ; nous passâmes le cap vers minuit, et j’espérais me trouver enfin dans la région d’une chaleur d’été con-