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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/302

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LA VIE DE FAMILLE

M. et madame Gilman m’avaient invitée dans l’île Sullivan à un pique-nique ; c’est le mot usité ici pour les excursions à la campagne où l’on va manger et s’amuser en joyeuse compagnie ; ce genre de plaisir est fort goûté, surtout de la jeunesse, et mainte alliance tendre et sérieuse remonte à un joyeux pique-nique. Celui auquel je viens d’assister avait lieu en grande compagnie ; la jeunesse et un couple amoureux n’y manquaient pas non plus ; mais la température étant fraîche, cette partie de plaisir me paraissait plus fatigante qu’agréable ; cela m’arrive souvent dans les choses arrangées d’avance avec l’intention de s’amuser. Mais j’ai véritablement joui d’une course faite un autre jour avec madame Gilman le long du rivage de la mer, où l’on roule sur une dune ferme et fine, tandis que les vagues écumantes roulent et tournent jusque sous les pieds des chevaux. Ce spectacle avait une vigueur sauvage à laquelle se joignait l’air le plus souple et le plus suave. M. et madame Gilman sont des natures poétiques ; elle chante la beauté de la vie calme et pieuse, lui des sujets nationaux. Son magnifique chant patriotique,

« Est-ce en vain que le sang de nos pères a coulé, »

écrit avec une chaude inspiration dans un moment où l’Union était menacée de se dissoudre par suite de l’amertume des partis, a été chanté avec ravissement dans les États-Unis, et a peut-être plus contribué à ranimer l’esprit national que quelques-unes des mesures politiques qui, dit-on, sauvèrent l’Union. M. Gilman est un prêtre fort estimé à Charleston ; c’est un bel homme d’un certain âge, et dont la noblesse, la gravité intérieure, sont fidèlement exprimées par son extérieur.