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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/303

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Hier au soir, j’ai assisté à un mariage ; on m’avait invitée à la bénédiction nuptiale, qui devait être donnée à l’église. Ce mariage avait lieu entre une catholique et un membre de l’Église épiscopale anglicane. Les époux étaient convenus de faire bénir leur union par le prêtre de la paroisse unitaire de Charleston, M. Gilman. Les parents et amis devaient seuls assister à la cérémonie ; elle se fit le soir, aux lumières. La mariée était jolie comme une rose blanche à demi-éclose, petite, frêle, habillée en blanc avec guirlande et voile, en un mot fort bien. Le marié était un homme grand, maigre, avait un air bon et loyal ; on le dit fort riche et fort amoureux de son bouton de rose. Leur tour de noce sera un voyage d’agrément en Europe. Après la cérémonie, qui fut célébrée avec dignité par M. Gilman, la compagnie sortit des bancs pour féliciter les nouveaux époux. Une vieille négresse, telle qu’une éclipse sombre et silencieuse, se tenait assise près de l’autel ; c’était la nourrice et la bonne de la mariée, qui ne pouvait supporter la pensée d’en être séparée, ce qui arrivera cependant. Ces servantes noires sont soignées avec la plus grande tendresse dans les familles blanches jusqu’à leur mort, et le méritent ordinairement par leur affection et leur fidélité.

Comme tu le présumes, sans doute, les conversations sur l’esclavage ne manquent pas ici. Je ne les provoque pas ; mais, lorsqu’on m’attaque, ce qui arrive souvent, je m’exprime à cet égard avec autant de franchise et de douceur que possible. Une chose qui me surprend et me tourmente ici, à laquelle je ne m’attendais pas, c’est de trouver à peine homme ou femme voulant regarder franchement et loyalement cette question en face. On l’évite de toute manière ; on se sert des arguments parfois les plus