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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/334

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LA VIE DE FAMILLE

huit milles de Charleston : l’après-dînée est avancée, il fait très-chaud. Nous nous arrêtons au milieu d’une forêt, elle est partout, on ne voit aucune habitation ; nous sortons du waggon et nous avançons dans cette forêt de pins. Après avoir marché un moment dans des sentiers non frayés nous voyons la forêt s’animer. Elle fourmille de gens, surtout de noirs marchant dans toutes les directions entre les arbres à haute tige. Au centre de la forêt est un endroit découvert, au milieu de celui-ci un grand et long toit reposant sur des pieux et sous lequel se trouvent une foule de bancs, de couloirs et assez d’espace pour contenir quatre à cinq mille personnes. Au centre de ce tabernacle est une estrade élevée, et au centre de celle-ci une espèce de tribune ou grande chaire. Autour du tabernacle (j’appelle ainsi le toit posé sur les pieux) sont dressées, formant un grand cercle, des centaines de tentes et boutiques de toutes couleurs et formes : il y en a de semblables bien avant dans la forêt ; partout, de près ou de loin, on voit des groupes de créatures humaines, la plupart noires, près des petits feux où ils font bouillir et rôtir leurs vivres. Les enfants courent à l’entour ou sont assis auprès des feux ; les chevaux sont debout et paissent près des véhicules. C’est un camp complet, un camp avec sa vie variée et bigarrée, mais sans militaires ni armes. Ici tout est pacifique, tout a un air de fête, on ne peut pas dire qu’elle soit précisément gaie. On se réunit peu à peu sous le tabernacle, les blancs d’un côté, les noirs de l’autre, ceux-ci en bien plus grand nombre que les blancs. L’air est étouffant ; des nuées orageuses couvrent le ciel, quelques gouttes de pluie commencent à tomber ; ce n’est pas, il faut en convenir, une perspective agréable pour la nuit, car il faut, mon Agathe, que nous la passions dans cette forêt sauvage. Il est impossible de