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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/352

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LA VIE DE FAMILLE

qui gravissait maintenant une colline. « Quand je serai montée, je me retournerai, » pensai-je. Arrivée au sommet, je vis à droite une grille et un beau parc bien soigné ; j’essayai d’ouvrir la grille, elle céda sans résistance, et je fus bientôt dans un parc charmant, avec collines, vallons, allées, sentiers, partout de grands arbres, des bosquets, des buissons, des plantes en fleurs et odoriférantes. Il se passa assez de temps avant que je me fusse aperçue, par différents monuments, que je me trouvais dans un lieu consacré aux morts, et que mon petit lutin de voyage m’avait probablement conduit à mon but, le cimetière de Rose-Hill.

En errant dans ce parc silencieux et solitaire, j’arrivai sur le bord d’une rivière qui formait, en serpentant, de moelleux contours entre ses belles et verdoyantes rives. Sur celle où je me trouvais, les monuments de marbre blanc que l’on apercevait dans les bosquets faisaient connaître qu’on était dans la « ville des morts. » Çà et là, de grands arbres s’inclinaient au-dessus de l’eau. De grands et jolis papillons aux ailes brillantes, et dont j’ignorais le nom, voltigeaient lentement d’une rive à l’autre. Cette scène était pour moi le symbole vivant des plus beaux pressentiments de la race humaine sur les mystères de la mort. Ici était la ville du trépas ; près d’elle coulait une eau vivante, sortie de sources invisibles, parlant à voix basse, dans le champ des morts, de la vie et de la résurrection ; ici étaient les arbres, cette magnifique vie de la nature, dont le feuillage avait servi « d’abri aux païens. » Sur l’autre bord étaient les champs des bienheureux, « où il n’y aura ni infortunes ni douleurs, rien de maudit, où la lumière de la face de Dieu éclairera tout. » Les papillons étaient des âmes qui, délivrées de leur chrysalide terres-