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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/354

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LA VIE DE FAMILLE

coffre chez elle, et je fus bientôt assise dans une grande et commode voiture fermée, où il y avait de l’air. Nous avions à peine couru deux heures, que nous rencontrâmes une poudreuse calèche de voyage, dans laquelle se trouvait le professeur Sherbe, attaché maintenant au séminaire de Montpellier. Il venait me chercher pour me conduire chez M. Eliott. Je retournai donc avec lui à Mâcon ; il s’y reposa ainsi que les chevaux, et nous employâmes le reste de la journée à nous rendre à Montpellier par une grande chaleur, par des chemins dont tu dirais : « Cela n’a pas de nom ! » et qui bravent toute description. Je croyais à chaque instant que nous allions verser, et les ponts me semblaient faits exprès pour jeter voiture et gens dans les précipices ou dans les rivières ; car ils étaient faits de pièces et de morceaux. On était ici dans un pays sauvage et nouvellement conquis ; mais, auprès de la jolie campagne de M. Eliott, tout était soigné, beau ; c’était une continuation des environs romantiques et splendides de Mâcon. J’ai appris à connaître, dans la personne de M. Eliott, l’un des plus beaux exemplaires de la vieille souche des cavaliers qui ont donné le ton et l’empreinte à la vie plus relevée des États du Sud : beauté et dignité personnelle, manières des plus distinguées, ennoblies par une grande gravité chrétienne.

Il paraît que, dans sa jeunesse, M. Eliott aimait beaucoup la société, la danse, les dames, et était le grand favori du monde joyeux. Sa conversion a été, dit-on prompte et tranchée ; maintenant il passe pour l’un des membres les plus pieux du clergé d’ici, et sa beauté, son amabilité gagnent tous les cœurs. Il a aussi conquis le mien ; mais nous en parlerons tout à l’heure. Le soir de mon arrivée, j’étais assise avec lui et sa famille devant sa maison, regar-