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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/355

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dant les mouches luisantes qui répandaient la clarté dans l’air, entre les arbres et sur l’herbe, dans tout le parc. Ces petits insectes présentent un spectacle qui me ravit pendant ces sombres soirées et les nuits. Ils sont un peu plus grands et surtout plus longs que nos vers de bois ; lorsqu’ils volent, ils répandent une lueur vive qui s’allume et s’éteint avec la rapidité de l’éclair : c’est un feu d’artifice incessant dans l’air et sur la terre à cette époque de l’année. Si on tourmente ces petits insectes, et même si on les écrase, ce que j’ai vu arriver par accident, ils lancent de la lumière, brillent tant qu’il leur reste une étincelle de vie, et cette lumière ne s’éteint pas tout d’un coup avec leur existence, elle lui survit un bon moment.

Madame Eliott est petite, agréable, pleine de vie, spirituelle, véritablement musicienne, et joue du piano comme chantent les oiseaux ; elle paraît être redevable à sa nourrice indienne d’une délicatesse et d’une perfection d’organes extraordinaires. Son mari en parle souvent en badinant. Ils ont beaucoup d’enfants ; le plus jeune, joli et bon petit garçon, courait librement partout sans bas ni souliers. Du reste, la disposition de la famille n’était pas gaie pour l’instant, et le bon évêque portait visiblement un poids oppressif ; il n’en a pas moins été extrêmement aimable pendant les courts moments qu’il pouvait donner à la société et à la conversation. J’ai trouvé en lui beaucoup de ce sentiment du beau et de la vérité qu’on rencontre chez Émerson, mais dépouillé de sa sévérité critique et traversé par un courant d’amour chrétien ressemblant à un beau zéphyr d’été. M. Eliott est l’un de ces hommes rares dans le Sud qui fixent un regard limpide, exempt de préjugés, sur l’institution de l’esclavage des noirs. Il croit à sa destruction dans les États-Unis et se fie, pour cette œuvre de