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Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/393

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

paraissant vieux en fait de danse. Les femmes non dansantes étaient assises en grande toilette sous les arbres, et bon nombre fort jolies. Je fus surprise lorsque Madame E… (à qui appartenait cette plantation et qui m’avait toujours regardée un peu de travers) me présenta son mari, et quand tous deux m’invitèrent chaudement et avec cordialité à venir chez eux, à y rester aussi longtemps que je le voudrais. Il m’en coûta d’être obligée de refuser cette offre amicale. Une pluie averse survint tout à coup, mit fin à la fête et nous renvoya tous sens dessus dessous au logis.

De retour chez les Bones, j’entendis chanter des nègres que Hanna Longstreet y avait fait venir. J’aurais désiré entendre leurs chansons à eux, mais ils répondirent : « Nous tenons au Seigneur, » et ne chantèrent que des hymnes. Cette étroitesse me déplut ; mais ces hymnes à quatre voix étaient magnifiques ; impossible de chanter mieux et plus purement. Ces nègres avaient des cahiers de musique devant eux et paraissaient les suivre ; cependant mes hôtes exprimaient en souriant un doute à cet égard. Au milieu de ce chant, un coq de la maison chanta aussi et ne cessa point. À la gaieté que cette interruption occasionna, je vis qu’il y avait quelque chose là-dessous. En effet, ce n’était pas un coq, mais un jeune nègre de la maison voisine qui voulait être du concert.

Puis vint un jeune noir moins dévot que les premiers ; il chanta, en s’accompagnant de son bagno, plusieurs chansons nègres généralement connues, composées dans le Sud par les noirs, et chantées par toutes les classes dans les États du Nord ; elles sont populaires à un haut degré. L’air en est mélodieux et naïf, plein de vie rhythmique et d’intimité. Plusieurs de ces chants rappellent les mélodies simples et belles de Haydn et de Mozart, par exemple : « Rosa