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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/237

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main, il fallait qu’il conservât le champ libre, et, pour cela même, il fallait que l’empereur Napoléon fût vainqueur et ne le fût qu’à demi.

On peut juger avec quelle anxiété on attendait les courriers, avec quelle avidité toute nouvelle était accueillie et commentée. Je n’exagère rien quand j’affirme que, dans bien des hôtels de Vienne, on ouvrait les fenêtres, en s’imaginant entendre le canon de Lutzen ; je n’exagère rien quand j’affirme qu’il y avait des militaires qui prétendaient l’entendre, en effet.

L’événement, on le sait, tourna à souhait pour M. de Metternich. L’empereur victorieux, coup sur coup à Lutzen et à Bautzen, le fut à si grand’peine et au prix de telles pertes, qu’il s’estima forcé d’accepter l’idée d’un congrès, et de demander lui-même un armistice, afin de se refaire un peu. M. Thiers affirme que voulant la guerre, ce fut, de sa part, une grande faute ; qu’il laissa échapper l’occasion d’écraser les alliés, et d’achever de les détruire. Si cela dépendait de lui, en effet, et s’il commit une telle faute ce fut la première en ce genre qu’il ait à se reprocher et elle lui coûta bien cher : elle lui coûta la domination de l’Europe, le trône et la liberté personnelle.