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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/314

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deux ou trois jours avant l’arrivée de l’empereur, cherchant dans mon esprit quelque moyen de résistance, je me mis en route pour parler du duc d’Orléans à Carnot, que je ne connaissais pas et n’avais jamais vu. Je ne le trouvai point chez lui, et j’en restai là.

Je partis promptement de Paris pour les Ormes, craignant qu’il ne vînt en fantaisie aux manipulateurs de constitution de placer mon nom dans ce caput mortuum de la Chambre des pairs royale, dont on entendait faire l’embryon de la Chambre des pairs impériale. C’était une appréhension sans fondement ; j’appris même bientôt après que mon nom ayant été prononcé devant l’empereur, il n’y avait pas mordu. Je revins dès lors, et je trouvai Benjamin Constant conseiller d’État, en grâce auprès de l’empereur, en train de devenir sa nymphe Égérie et le Solon de la France.

Il avait quitté Paris à l’arrivée de l’empereur, et s’était réfugié à Angers, je crois, contre une proscription qu’il avait raison d’appréhender. Son article, inséré dans le Journal des Débats, était foudroyant. Depuis Tacite et Juvénal, jamais la tyrannie n’avait ainsi été dévouée à l’exécration publique.