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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/362

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loin, avec M. E. Desormes, les conséquences fâcheuses au point de vue de la prononciation.

Remarquons encore qu’après avoir autorisé les divisions ré-agir, ré-unir, ré-installer, M. Jean Dumont ajoute en note : « Cependant on ne divisera pas ré-aliser, ré-ussir, mais bien réa-liser, réus-sir, pour la raison définie au 6° du paragraphe » (relatif aux divisions entre deux voyelles), qui autorise la division entre les voyelles, finale et initiale, des deux parties d’un nom composé.

Il est difficile de comprendre les raisons de cette différence. Il nous avait semblé jusqu’ici, et c’est tout au moins l’opinion de Littré, de Larousse, de Brachet et de Dussouchet, que le préfixe était le même dans un cas comme dans l’autre. Pourquoi alors autoriser la division étymologique ré-agir, etc., et la proscrire avec réali-ser, réus-sir ? — Ne pourrait-on encore diviser réa-liser, aussi bien que réali-ser ?

M. Fournier, dans son Traité de Typographie, écrit : « Par exemple, pour les mots constitution, inscription, un compositeur qui ignorerait leur étymologie formerait les divisions ainsi qu’il suit : cons-titution, ins-cription[1]; il faut, au contraire, les former comme ci-après : con-stitution, in-scription[2]. Cette règle, qui s’applique à une foule d’autres mots dans la langue française, tient à la nécessité d’indiquer ses racines et ses étymologies ; la grammaire est un guide que l’imprimerie doit suivre avec docilité. »

Cette affirmation semble tout au moins discutable : l’œil et l’oreille peuvent se trouver en contradiction avec la grammaire (on vient de le voir avec M. Leclerc) ; les habitudes, les usages peuvent, avec les nécessités de la vie, modifier jusqu’aux idées fondamentales que le peuple devrait se faire des règles qui ont présidé à la formation de sa langue[3].

Où donc aujourd’hui, dans les milieux ouvriers, industriels et commerciaux — après quelques leçons, de plus en plus brèves, de plus en plus rares, d’étymologie latine, grecque ou autre, données à l’école primaire — se préoccupe-t-on de l’étymologie ? Nos modernes typographes n’en connaissent souvent pas le moindre mot ; certains peut-être ignorent jusqu’au nom lui-même. À plus forte raison en est-il de même du public. Ce que le lecteur exige, le but que le typographe doit s’essayer à atteindre, ce que le correcteur doit envisager avant tout, c’est de pouvoir comprendre, d’être compréhensible et surtout compris : en un mot et pour tout résumer, il faut dans la division imprimée mettre d’accord, semble-t-il, et le langage parlé et le langage écrit.

C’est notre conviction intime ; et certes ce doit être également celle de M. Fournier, car, après les lignes que nous venons de citer, il ajoute

  1. C’est donc que cette division naturelle est la plus rationnelle et la plus compréhensible ! En parlant comme il le fait, on reconnaîtra, sans conteste possible, que l’auteur apporte, peut-être involontairement, une nouvelle preuve en faveur de l’excellence de la division syllabique ou d’épellation.
  2. D’accord en cela avec M. J. Claye et M. Leclerc, mais contrairement à l’opinion de M. Danpeley-Gouverneur et de M. Théotiste Lefevre, pour qui cette consonne appartient tantôt à la première syllabe, tantôt à la deuxième, suivant les nécessités de l’espacement.
  3. Cette opinion se trouve corroborée par ces lignes que nous trouvons dans le Memento Larousse : « Mais on ne peut les (les mots d’origine étrangère : arabe, italien, espagnol, anglais, allemand) considérer comme ayant influé sur la structure du français. De même, le grec, base de la technologie scientifique, n’a exercé aucune action sur la formation il a langage courant. »