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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/502

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---- À examiner de près les termes de cette rédaction, à comparer les exemples qui précèdent de Tassis, de Th. Lefevre et des autres, il semble bien que, de nos jours, l’exception est devenue la règle, et inversement la règle s’est faite exception.
---- Les exemples de Tassis, de Th. Lefevre et de V. Breton paraissent, d’ailleurs, avoir été plutôt mal choisis pour les besoins de la cause : tous affectent passablement des allures de statistique, c’est-à-dire de « nombres relatifs à un objet commun, groupes en vue d’un but, d’une comparaison ».
---- Ainsi composé en lettres, l’exemple de Th. Lefevre — bien qu’il comprenne intentionnellement sans doute exclusivement des nombres ronds — est, en outre, de lecture peu aisée, comme le reconnaît V. Breton ; les quantités sont difficilement comparables entre elles. Les chiffres auraient bien plus vivement frappé l’œil du lecteur et occupé son esprit :

L’effectif de l’armée se composait de 40.000 hommes, dont 25.000 fantassins, 10.000 cavaliers et 5.000 artilleurs…

La nécessité de composer en chiffres se serait imposée d’elle-même à Th. Lefcvro, il faut le croire, si les nombres, même, disséminés dans le texte, avaient compris quelques unités de plus :

L’effectif de l’armée se composait de 40.525 hommes, dont 25.250 fantassins, 10.125 cavaliers et 5.150 artilleurs…

D’ailleurs, Th. Lefevre lui-même, à l’instar de nos auteurs actuels, varie quelque peu d’opinion sur ce sujet. L’exemple cité ici est emprunté à la fin du paragraphe 90 (p. 50) du Guide pratique du Compositeur. Or, à la page suivante (p. 51), l’exemple du paragraphe 97 est ainsi, composé :

Quarante mille hommes, dont 35.000 fantassins, 4.000 cavaliers de toutes armes et 1.000 artilleurs, furent aussitôt dirigés…

Les deux cas nous paraissent analogues ; tout au moins, la rédaction des deux exemples a une ressemblance que l’on ne saurait nier ; un peu encore, et les termes eussent été les mêmes.

On pourrait encore s’étonner de rencontrer dans Tassis cette règle :
---- « Mettre en chiffres : … 3o les dates, la population : … » ;
---- Puis, plus loin :
---- « Mettre en toutes lettres : les dénombrements… ».
---- Il y a bien quelque similitude, quelque équivalence, entre ces deux expressions : « indiquer la population, dénombrer la population d’un pays ».
---- Dès lors, pourquoi composer ici en chiffres, et là en lettres ?
---- La vérité est que l’application stricte, rigoureuse, d’un principe érigé en loi se heurte trop souvent à de multiples difficultés. La régularité de composition est une règle qui doit souffrir le moins d’exceptions possible ; l’esthétique, le bon goût, le coup d’œil en sont une autre dont on ne saurait se départir sans préjudice pour la forme du livre ; enfin, les contingences, c’est-à-dire le genre de travail, le milieu, si l’on veut, où vit la phrase, l’expression, posent des conditions, obligent à des modifications dont parfois le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’ont qu’un vague rapport avec le principe primitivement admis.