Aller au contenu

Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si les auteurs sont d’accord sur la règle qui précède, il en est tout autrement de l’application que certains prétendent faire de ce principe au début des phrases placées au cours d’un alinéa.

Bien que la plupart des manuels se taisent en cette circonstance, et que l’on ne puisse rien déduire de l’examen des exemples donnés à l’appui des règles concernant la composition des nombres, il est cependant quelques auteurs qui ont mentionné ce cas particulier.

E. Desormes prescrit la règle suivante envisageant la question dans son sens le plus étroit : « Un alinéa ne doit pas commencer par un nombre en chiffres, excepté pourtant dans les ouvrages spéciaux. On écrira donc :

Cent vingt mille francs furent prélevés sur les 500.000 francs représentant son avoir : 60.000 furent donnés à l’hospice… »

Desormes, on le voit, ne parle pas des phrases placées au cours d’un alinéa.

Élargissant peut-être le cadre de la règle formulée par le précédent auteur, Daupeley-Gouverneur (p. 280) s’exprime ainsi : « Il est toujours mauvais de commencer une phrase par un nombre exprimé en chiffres. Si rien ne s’y oppose, on devra le mettre en toutes lettres… » ; et encore : « … À l’exception des nombres commençant une phrase qui sont mis en toutes lettres. »

Dans ces deux cas faut-il entendre seulement « une phrase placée au début de l’alinéa », ou, d’une manière plus générale, « une phrase placée au début ou au cours d’un alinéa » ? La rédaction ne permet aucune solution dans un sens ou dans l’autre.

Par contre, Th. Lefevre est particulièrement affirmatif sur le sujet présent : « Quand un nombre commence un alinéa ou une phrase, dans les ouvrages à texte courant, il convient de l’exprimer en toutes lettres, lors même qu’il se trouve suivi de très près d’un ou de plusieurs nombres qui, d’après une disposition contraire à la règle ci-dessus, mais adoptée, doivent être mis en chiffres. »

Quelques écrivains techniques s’insurgent, il est vrai, contre cette assimilation. « On met bien, disent-ils, des chiffres après la virgule, le point-virgule et les autres signes de ponctuation. Ainsi dans l’exemple suivant :

À ce moment, de grandes batailles furent livrées. Les deux armées se rencontrèrent. Cinquante mille Français et 80.000 Allemands étaient aux prises…


pourquoi employer concurremment des lettres et des chiffres ? »

Évidemment, « on met bien des chiffres après la virgule, les deux-points, le point et virgule », et même le point d’interrogation ou le point d’exclamation, tout comme on exprime en chiffres, au début de l’alinéa, sans conséquemment leur appliquer la règle précédente, les expressions 1o, 2o, 3o, 4o, etc. ; mais il ne semble nullement que cette raison soit décisive et que de cette comparaison, de ce rapprochement, on puisse conclure à l’obligation de l’emploi des chiffres, à l’encontre du sentiment de Th. Lefevre.