plusieurs exemples de vers dont la numération a été établie d’après leur mesure ou la quantité de syllabes qu’ils renferment :
Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur ; | 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Ce-lui qui met un frein à la fu-reur des flots ; | 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Et dans la paix main-te-nir mes su-jets ; | 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Le Nil a vu sur ses ri-vages | 1 2 3 4 5 6 7 8
Les noirs ha-bi-tants des dé-serts ; | 1 2 3 4 5 6 7 8
Rom-pez vos fers, | 1 2 3 4
Tri-bus cap-tives. | 1 2 3 4
11. Outre le nom particulier que l’on donne à quelques-uns, et que nous verrons au fur et à mesure de leur étude, les vers sont encore désignés par le nombre des syllabes ou par celui de pieds qu’ils contiennent, un pied (ou mètre) comprenant deux syllabes[1].
Ainsi on dit : vers de 1 syllabe ou de 1/2 pied ; vers de 2 syllabes ou de 1 pied ; vers de 3 syllabes ou de 1 pied 1/2 ; vers de 4 syllabes ou de 2 pieds ; et ainsi de suite jusqu’à 12 syllabes ou 6 pieds, la mesure la plus longue qui ait été usitée dans la poésie française classique.
- ↑ Quelques lecteurs estimeront sans doute que ces lignes vont à l’encontre de toutes les idées reçues et acclimatées dans le monde de l’imprimerie par les auteurs typographiques.
Il semble bien cependant que cette définition soit la plus rationnelle ; elle est surtout conforme à l’étymologie et à la tradition :
Dans la métrique grecque et latine, le vers héroïque, l’alexandrin, qui correspond à notre vers de 12 syllabes, est appelé hexamètre, ou vers de six mètres, de six mesures (pieds). Le pied de l’hexamètre ne pouvait comporter, soit obligatoirement, soit facultativement, plus de deux longues ou plus d’une longue et de deux brèves (deux brèves équivalant ainsi à une longue, et réciproquement) ; le total, des longues obtenu ne devait pas être alors supérieur à douze. On avait 6 mètres ou 6 pieds : 12 longues, d’où nous avons fait : 6 mètres ou 6 pieds : 12 syllabes.
Au xvie siècle, les poètes de la Pléiade, particulièrement Jodelle et Baïf, qui tentèrent de transporter en français la métrique latine, copièrent servilement l’ordonnance de l’hexamètre latin, dont ils conservèrent soigneusement la désignation. Malgré l’échec de l’adaptation du rythme gréco-latin à notre poésie nationale, à laquelle le moyen âge avait déjà si fortement imprimé une empreinte personnelle, certaines caractéristiques du vers latin restèrent, que les siècles suivants ont détournées de leur signification primitive, ainsi que le constate Littré dans la préface de son Dictionnaire de la langue française : « … Le nom de pied qui, dans l’antiquité gréco-latine, désignait, entre autres, une certaine combinaison de syllabes, longues ou brèves, ne peut plus se dire qu’abusivement de chacune des syllabes qui le constituent (le vers). » — Et encore au mot Pied : « Terme de versification française. Un pied, 2 syllabes ; ainsi notre alexandrin qui a 12 syllabes est un vers de 6 pieds, et le vers de 7 syllabes est un vers de 3 pieds et demi. » — Aussi la plupart des traités de versification française emploient encore le mot pied dans son acception primitive.