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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/610

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exigences de la rime, un s peut être ajouté à la fin de quelques mots. Ainsi les poètes peuvent choisir entre certe et certes, grâce et grâces, guère et guères, jusqu’à et jusques à, naguère et naguères, etc.

34. Parfois, la lettre finale de certains mots disparaît : encor au lieu de encore, remord au lieu de remords.

35. En disparaissant ou en s’ajoutant, la dernière lettre oblige parfois à une modification de la voyelle précédente : pié au lieu de pied, bled au lieu de blé, dîné au lieu de dîner (Alf. de Musset, André del Sarto) :

A-t-on sonné déjà deux coups pour le dîné…

36. Le subjonctif présent du verbe dire prend à la première personne du singulier, au lieu de : que je dise, la forme : que je die.

37. Aie étant, au xviie siècle, dissyllabique, fréquemment la première personne du singulier du subjonctif présent du verbe avoir perdait son e muet final : que j’ai, au lieu de : que j’aie.

38. Tous les poètes classiques de la grande époque (Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, etc.) emploient, à maintes reprises, pour la préposition avec, non point l’orthographe actuelle, mais l’ancienne forme augmentée d’une syllabe, avecque :

Après, ne me répondQuatre mots seulement ;
Après, ne me réponds qu’avecque cette épée.

39. Le nom commun amour, au singulier, est fréquemment employé avec le genre féminin :

Adieu : servons tous trois d’exemple à l’univers
De l’amour la plus tendre et la plus malheureuse.

Ce Dieu qui, nous aimant d’une amour infinie,
Voulut mourir pour nous avec ignominie.

40. D’ailleurs, sans raisons apparentes autres que les exigences de la mesure ou les nécessités de la rime, certains mots, au gré du poète, changent de genre ; la licence poétique n’est plus, dans ces cas, qu’une faute d’orthographe qu’il est nécessaire de tolérer.
xxxx Ainsi dans Agathocle (acte V, sc. iii), Voltaire emploie le nom argile au masculin :

L’argile par mes mains autrefois façonné
A produit sur mon front l’or qui m’a couronné… ;