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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/625

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73. Tous les vers commencent par une grande capitale[1] ; — les parties de vers, coupées par des interlocuteurs, sont soumises à cette règle.

MASCARILLE

Mais le mal est, Monsieur, qu’il faudra s’introduire
En cachette.

VALÈRE

En cachette.Fort bien.

MASCARILLE

En cachette. Fort bien.Et j’ai peur de vous nuire.

Dans Un texte en prose, on conserve, après une coupure, une lettre bas de casse à des parties de vers terminant un membre de phrase :

Les vers de nos grands tragiques se gravent dans la mémoire en traits indélébiles. À ces mots de Corneille :

… On ne reconnaît point…


le lecteur ajoutera spontanément :

L’âme du grand Pompéela main qui crayonna
xL’âme du grand Pompée et l’esprit de Cinna.

Cléopâtre, dans Pompée, conte la passion que César éprouve pour elle et comme

Lui portent en tributchaque jour ses courriers
Lui portent en tribut ses vœux et ses lauriers.

  1. Cette règle, l’une des prescriptions les plus anciennes — car les éditions de nos grands poètes classiques du xviiie siècle ont été établies en suivant ces errements — et, conséquemment, les plus respectables de notre Code typographique, est aussi l’une de celles qui ont le plus excité les critiques de certains auteurs typographiques en mal… de prose et la verve des littérateurs. — Parmi ces derniers, l’un des plus notoires, et peut-être le plus acerbe, fut George Sand (dans Impressions et souvenirs), — que certes l’on ne s’attendait point à trouver en telle compagnie. Mais George Sand eut fort à faire, car elle trouva dans une des célébrités typographiques du siècle dernier un contradicteur digne d’elle. Dans le journal l’Imprimerie, de septembre 1873 (n° 106, p. 310), Fournier défendit la cause de la capitale avec une telle vigueur, une telle netteté et une si grande forcé de raisonnement, qu’il n’est point inutile pour notre génération de méditer encore sur les raisons invoquées alors : « Cet usage a sa raison d’être, et cette raison est esthétique : elle a pour objet de compenser, autant que cela est possible, par la régularité et l’aplomb qu’elle donne au côté gauche de la page, l’inégalité du côté droit et son manque d’alignement. — Dans une page de poésie où le contour est déchiqueté par des vers inégaux de mesures ou de longueurs, si l’œil n’aperçoit plus cette majuscule initiale qui le guide, qui l’encadre en quelque sorte, et qu’il a l’habitude de rencontrer, cet aspect disgracieux le choquera, et il lui semblera voir de la prose, moins cet équilibre parfait qui donne à une belle page de prose un caractère monumental. — Il serait regrettable que par un retour vers le passé, qu’on prendrait à tort pour une innovation, l’on abandonnât une méthode artistique qu’ont maintenue les grands typographes de tous les pays, à laquelle le lecteur est habitué et qui n’appelle point une réforme. »