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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/756

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Dans l’édition de 1835 de son Manuel, Frey préconisait l’usage des guillemets en dehors, c’est-à-dire la partie concave et les pointes vers la gauche, pour les citations guillemetées tout au long. Dans l’édition de 1857, revue par Boucher, un correcteur de l’imprimerie Claye, la même méthode était conseillée, avec toutefois cette observation préliminaire[1] : « Ouvrir le guillemet en plaçant ses extrémités à droite, le continuer à chaque ligne ou du moins à chaque alinéa en tournant ses extrémités à gauche, et le fermer de cette même manière, c’est-à-dire encore les extrémités à gauche, est un mode qui a longtemps prévalu. Aujourd’hui on l’ouvre et on le continue dans ce sens [«] pour le fermer dans le sens inverse [»]. »

Malgré cette remarque, les correcteurs[2] du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle non seulement recommandaient la règle préconisée par Frey, mais l’appliquaient à toutes « les citations guillemetées au long », parce que « l’usage de tourner à droite la pointe des guillemets ouverts et continus leur paraissait complètement irrationnel ».

Dans son numéro du 26 février 1886, l’Imprimerie[3] conseillait également l’emploi du guillemet continu avec les pointes tournées à gauche[4].

M. J. Dumont[5], un auteur belge, indique — peut-être parce qu’il suit les usages de son pays d’origine — que, dans les citations guillemetées au long, le guillemet doit avoir les pointes tournées du côté de la marge, soit vers la gauche (»), le guillemet initial seul ayant les pointes tournées à droite («).
xxxx Pour justifier sa méthode, qu’il imagine couramment suivie en France, J. Dumont fait sien a contrario un raisonnement de Daupeley-Gouverneur : « Nous n’avons jamais bien compris, dit Daupeley, le motif qui fait tourner les guillemets en dehors, c’est-à-dire les pointes à gauche. Nous n’y voyons qu’un seul avantage, bien petit, qui est de montrer, au premier coup d’œil jeté sur une ligne ainsi guillemetée, qu’on se trouve à l’intérieur d’une citation, et qu’il faut remonter plus haut pour en avoir le début. »
xxxx L’avantage est en effet fort petit, bien que J. Dumont « le considère comme suffisamment grand ». L’argument est, d’autre part, fort spécieux. On peut en effet se demander pourquoi les pointes des guillemets en dedans n’indiqueraient pas que la ligne guillemetée se trouve à l’intérieur d’une citation, tout autant que les pointes des guillemets en dehors. À l’aide de quel fait, par quel raisonnement J. Dumont pourra-t-il prouver le contraire ? Quelle obligation est

  1. Nouveau Manuel complet de Typographie, p. 219.
  2. Eug. Boutmy, A. Bernier et F. Lhernault. — La publication du Grand Dictionnaire, commencée en 1866, ne fut achevée qu’en 1876.
  3. Ce journal technique, qui longtemps fut dirigé par G. Lequatre et dont la publication cessa en août 1914, ne doit pas être confondu avec l’Imprimerie, organe de la Fédération des Travailleurs du Livre.
  4. Cette attitude s’explique aisément si l’on se souvient que le Syndicat des Correcteurs parisiens (auquel adhéraient la plupart des membres de la Société fraternelle des Correcteurs des imprimeries de Paris, fondée en 1865) fut toujours accueilli avec bienveillance au journal l’Imprimerie, et que Boutmy paraît avoir été durant nombre d’années l’un des membres les plus marquants des associations typographiques parisiennes.
  5. Vade-Mecum du Typographe, 4e éd., p. 99.