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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/54

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plusieurs, et qu’ils se contredisent. Mais la réalité est plus triste encore, et il n’y a bien eu qu’un moraliste du nom de Renan, mais l’histoire des variations de sa morale n’est que celle de sa longue démoralisation, je veux dire de son lent passage de la morale la plus haute à l’épicurisme le plus vulgaire et le plus bas.

Je ne parle ici, vous l’entendez bien, — et à peine ai-je besoin de le dire, — que de la doctrine, et non de l’homme. « Je suis fort égoïste », nous disait-il l’autre jour ; et peut être exagérait-il. A la vérité je connais peu d’œuvres d’où la pitié soit plus complètement absente que de la sienne ; et je dois avouer que peu d’hommes ont pris plus galamment leur parti de la misère des autres. Mais sa vie privée n’en a pas moins été parfaitement digne, et parfaitement noble. Il n’a vécu que de son travail, et que pour son travail. Ses ambitions n’ont guère été que de l’ordre intellectuel, et elles n’ont ni dépassé, ni peut-être atteint son mérite, je a eux dire celui qu’il était en droit de s’attribuer, du consentement, ou d’après le jugement de ses contemporains. lia eu, sans l’affecter, ni surtout l’étaler, le mépris de l’argent. Nous lui en saurons gré, si nous sommes justes. Ce