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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/56

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avec le christianisme peut quelquefois s’inspirer des plus louables motifs, — à plus forte raison celle d’un simple séminariste, — et n’être ainsi, de leur part à tous deux, qu’une sorte d’engagement à vivre d’une vie plus sévère, plus retirée, presque ascétique, et qui soit comme un exemple de vertu dans l’incrédulité.

Je crois aussi reconnaître là l’influence de sa sœur Henriette[1].

On n’a pas assez parlé d’Henriette Renan. Instruite, intelligente, esprit viril, plus impérieuse qu’aimante, aigrie par la pauvreté, par l’exil, par les humiliations du préceptorat, incrédule avec passion, comme on l’était au dix-huitième siècle, Henriette, qui, plus que personne,

  1. J’ai plusieurs fois signalé l’influence d’Henriette Renan sur son frère. Il faudra lui faire un jour, dans les biographies qu’on écrira d’Ernest, une place qu’on ne lui a pas encore faite, quoique Mme Duclaux l’ait indiquée, dans sa Vie de Renan. Henriette a été véritablement, dans la crise décisive de 1845, « la conscience » de son frère. Voyez à cet égard, dans leur Correspondance, les lettres datées de cette année, et rapprochez-les des paroles de Renan dans son opuscule : Ma sœur Henriette : « Henriette m’avait devancé dans la voie, ses croyances catholiques avaient complètement disparu ; mais elle s’était toujours gardée d’exercer sur moi aucune influence à ce sujet. Quand je lui fis part des doutes qui me tourmentaient, et qui me faisaient un devoir de quitter une carrière où la foi absolue est requise, elle fut ravie… Ses lettres exquises furent, à ce moment décisif de ma vie, ma consolation et mon soutien. »