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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/57

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— et beaucoup plus qu’aucun motif d’exégèse ou de philosophie, — avait poussé son frère aux résolutions suprêmes, avait compris admirablement que ce que, dans un siècle de doute, on peut opposer de plus fort au christianisme, c’est une vie toute d’honneur, de sacrifice et de vertu, qui, pour se soutenir, ne semblerait avoir eu besoin ni de ses leçons, ni de son appui, ni de ses promesses. Elle avait voulu que son frère fût cet homme, et cette vie sa vie. C’est pourquoi, tout en rejetant le dogme, et sans dire expressément ce qu’il en repoussait, — et qui n’était peut-être, à ce moment de sa vie, que l’obligation générale de croire et de se « soumettre », — Renan garda fidèlement la morale de ses maîtres, et ne la modifia d’abord qu’en donnant pour but à son activité le progrès de l’esprit au lieu de la perfection du cœur.

Et il est vrai que c’était la modifier assez profondément, si c’était faire de l’orgueil le maître de sa vie. Quomodo cecidisti, Lucifer ? C’est ainsi que sont tombés les anges… Mais Renan ne s’en aperçut pas tout de suite, ni ses premiers lecteurs ; et, au contraire, dans la littérature de son temps, que le naturalisme, ou