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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/73

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patrons ou des fauteurs de l’antisémitisme ? Oui, je vous entends bien, vous allez me dire que Voltaire avait commencé. Et, en effet, vous aurez raison : personne, pas même Renan, n’a parlé des Juifs plus injurieusement que Voltaire. Mais Renan a trouvé le moyen de faire pis, si c’est lui qui n’a pas craint, comme historien, de fonder l’antisémitisme sur l’universalité même des préjugés dont les Juifs ont été victimes ; et lui qui, comme linguiste, ou comme ethnographe, a prétendu transformer les différences qui séparent l’aryen du sémite, en oppositions, incompatibilités, et hostilités foncières et irréductibles[1].

  1. Je me contenterai de citer un ou deux textes sur ce point, et naturellement je ne les emprunterai pas à la conférence intitulée : Identité originelle et séparation graduelle du Judaïsme et du Christianisme. On y lit, à la vérité, que « le judaïsme, qui a tant servi dans le passé, servira encore dans l’avenir » ; que « tout Juif est un libéral » ; et que « les ennemis du judaïsme ce sont, en général, des ennemis de l’esprit moderne ». On y lit encore : « Le monde avait pris la vérité religieuse au judaïsme, et il traite le judaïsme de la manière la plus cruelle. » Il ajoute, par un trait d’inimitable flatterie, dont lui seul était capable : « C’est toujours ainsi que les choses se passent : quand on travaille pour l’humanité, on est sûr d’être volé d’abord et, par-dessus le marché, d’être battu. » (On rit. — Applaudissements.) Mais ces choses ont été dites devant la Société des Etudes juives, sur l’invitation du baron de Rothschild, et à Dieu ne plaise que je suspecte l’entière sincérité de l’orateur, mais la vraie pensée de Renan est ailleurs.

    Elle est dans ce passage de son Histoire des Langues sémitiques :

    « Ce serait pousser outre mesure le panthéisme en histoir