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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/84

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la « théorie des races » , et de la suprématie des intellectuels ! De quelque distinction que les hommes se flattent, elle estiment toutes les deux que, d’un homme à un autre, la différence n’est jamais très grande, ni surtout assez profonde pour soustraire aucun d’eux aux conditions communes de l’humanité. Elles croient, toutes les deux aussi, qu’aucun homme n’est né pour lui, ni pour un autre homme, mais tous pour tous, et pour travailler ensemble, la démocratie dit : « au perfectionnement », et la théologie : « au salut » de leur espèce. Et bien loin de croire avec Renan, dont je cite les propres paroles, qu’il serait vain « d’essayer de convertir à la raison, les uns après les autres, les deux milliards d’êtres humains qui peuplent la terre ! » elles agissent toutes les deux, — et en se réservant de définir ce qu’il convient d’entendre par ce mot de « raison », — comme si cette « conversion » était l’objet final de la civilisation. Tel n’était pas, nous l’avons vu, l’idéal de Renan. Mais telle est donc aussi l’explication du dédain railleur et insolent dans lequel il les enveloppait toutes les deux. Et, à sa manière, par son propre exemple, s’il avait ainsi démontré que la