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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/96

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CINQ LETTRES SUR ERNEST RENAN

Officiels, officieux, ministériels ou autres, les « discours » n’ont pas différé sensiblement de ce que nous avions supposé qu’ils seraient, et aucun des orateurs ne nous a rien appris de bien nouveau sur Renan. On l’a loué d’avoir « aimé la vérité » ! Je me suis déjà expliqué sur ce point. Qui est-ce qui n’aime pas la vérité ? Nous aimons tous la vérité ! Seulement, nous ne l’aimons pas tous de la même manière, et tout le monde ne décore pas ses imaginations de ce grand nom de vérité[1].

  1. Je lis à ce propos dans l’Histoire du peuple d’Israël, t. II : « Quel est le but de l’humanité ? Est-ce le bien-être des individus qui la composent ? Est-ce l’obtention de certains buts abstraits, objectifs, comme l’on dit, exigeant des hécatombes d’individus sacrifiés ? Chacun répond selon son tempérament moral, et cela suffit. » Je le veux bien ; mais je demande en ce cas de quel droit, à quel titre, au nom de quelle évidence ou de quelle certitude, si de ces deux solutions j’en préfère une, et en admettant qu’il n’y en ait que deux, je pourrai reprocher à ceux qui préfèrent l’autre de « ne pas aimer la vérité ». Etant donnée la nature des questions que Renan a traitées, j’entends donc bien que, quand nous le louons d’avoir « aimé la vérité », nous le louons d’avoir aimé ce que nous croyons être la vérité, nous qui pensons comme lui, et nous mettons notre façon de penser sous l’autorité de son nom, mais il n’en résulte pas que « sa vérité » soit absolument « la vérité » et elle n’est toujours que son opinion. Il en eût lui-même convenu volontiers, je pense, car, n’a-t-il pas dit ailleurs : « Tous les partis pris sont légitimes quand ils sont de bonne foi » ? C’est beaucoup dire, c’est même trop dire, et il faudrait savoir à quelles conditions