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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/101

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direction en partant d’Antibes. La première arrive, par une communication sous-marine, en Sardaigne ; elle coupe le cap Carbonara, traverse les montagnes de cette île, se replonge sous les eaux pour reparaître à Carthagène, et se joindre à la chaîne volcanisée du Portugal, jusqu’à Lisbonne, pour traverser ensuite une partie de l’Espagne, où M. Bowles a reconnu plusieurs volcans éteints. Telle est la première ligne de jonction des volcans de France.

La seconde se dirige également par la mer et va joindre l’Italie, entre Gênes et Florence. On entre ici dans un des plus vastes domaines du feu ; l’incendie a été presque universel dans toute l’Italie et la Sicile, où il existe encore deux volcans brûlants, le Vésuve et l’Etna, des terrains embrasés, tels que la Solfatara, des îles incendiées, dont une, celle de Stromboli, vomit sans relâche et dans tous les temps, des laves, des pierres ponces et jette des flammes qui éclairent la mer au loin.

Le Vésuve nous offre un foyer en activité, couronné et recouvert, de toutes parts, des produits les plus remarquables du feu, et jusqu’à des villes ensevelies à dix-huit cents pieds de profondeur, sous les matières projetées par le volcan : d’un côté, la mer nous montre les îles volcanisées d’Ischia, de Procida, de Caprée, etc. ; et de l’autre, le continent nous offre la pointe de Misène, Baia, Pouzzoles, le Pausilipe, Portici, la côte de Sorrente, le cap de Minerve.

Le lac Agnano, Gastrani, le Monte-Nuovo, le Monte-Barbaro, la Solfatara, sont autant de cratères qui ont vomi, pendant plusieurs siècles, des monceaux immenses de matières volcaniques.

Mais une chose digne de remarque, c’est que les volcans des environs de Naples et de la terre de Labour, comme les autres volcans dont nous venons de parler, semblent toujours éviter les montagnes primitives, quartzeuses et granitiques, et c’est par cette raison qu’ils n’ont point pris leur direction par la Calabre, pour aller gagner la Sicile. Les grands courants de laves se sont frayé une route sous les eaux de la mer, et arrivent du golfe de Naples, le long de la côte de Sorrente, paraissant à découvert sur le rivage et formant des écueils de matières volcaniques, qu’on voit de distance en distance, depuis le promontoire de Minerve, jusqu’aux îles de Lipari. Les îles de Baziluzza, Lisca-Bianca, Liscanera, Panaria, etc., sont sur cette ligne. Viennent ensuite l’île des Salines, celles de Lipari, Volcanello, et Volcano, autre volcan brûlant, où les feux souterrains fabriquent, en grand, de grosses masses de véritables pierres ponces. En Sicile, les monts Neptuniens, comme les Alpes en Provence, ont forcé les feux souterrains à suivre leurs contours et à prendre leur direction par le Val Demona. Dans cette île, l’Etna élève fièrement sa tête au-dessus de tous les volcans de l’Europe ; les éjections qu’a produites ce foyer immense coupent le Val-di-Noto et arrivent à l’extrémité de la Sicile, par le cap Passaro.

Les matières volcaniques disparaissent encore ici sous les eaux de la mer, mais les écueils de basalte qu’on voit de distance en distance sont des signaux évidents qui tracent la route de l’embrasement : on peut arriver, sans s’en écarter, jusqu’à l’Archipel, où l’on trouve Santorin et les autres volcans qu’un observateur célèbre a fait connaître dans son Voyage pittoresque de la Grèce[1].

De l’Archipel on peut suivre, par la Dalmatie, les volcans éteints, décrits par M. Fortis, jusqu’en Hongrie, où l’on trouve ceux qu’a fait connaître M. de Born, dans ses lettres sur la minéralogie de ce royaume. De la Hongrie, la chaîne volcanisée se prolonge, toujours sans interruption, par l’Allemagne, et va joindre les volcans éteints d’Hanovre, décrits par Raspe : ceux-ci se dirigent sur Cassel, ville bâtie sur un vaste plateau de basalte ; les feux souterrains qui ont élevé toutes les collines volcaniques des environs de Cassel ont porté leur direction, par le grand cordon des hautes montagnes volcanisées de l’Habichoual, qui

  1. M. le comte de Choiseul-Gouffier.