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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/116

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que vers ces régions polaires où il manque, et vers lesquelles il doit se porter, pour obéir aux lois générales de l’équilibre des fluides, au lieu que la glace n’influe pas sur le magnétisme, qui ne reçoit d’inflexions que par son rapport particulier avec les masses de l’aimant et du fer.

De plus, il n’y a des rapports semblables et bien marqués qu’entre les aimants et les corps électriques par eux-mêmes ; et l’on ne connaît point de substances sur lesquelles le magnétisme produise des effets pareils à ceux que l’électricité produit sur les substances qui ne peuvent être électrisées que par communication. D’ailleurs, le magnétisme ne se communique pas de la même manière que l’électricité dans beaucoup de circonstances, puisque la communication du magnétisme ne diminue pas la force des aimants, tandis que la communication de l’électricité détruit la vertu des corps qui la produisent.

On peut donc dire que tous les effets magnétiques ont leurs analogues dans les phénomènes de l’électricité ; mais on doit convenir en même temps que tous les phénomènes électriques n’ont pas de même tous leurs analogues dans les effets magnétiques : ainsi, nous ne pouvons plus douter que la force particulière du magnétisme ne dépende de la force générale de l’électricité, et que tous les effets de l’aimant ne soient des modifications de cette force électrique[1]. Et ne pouvons-nous pas considérer l’aimant comme un corps perpétuellement électrique, quoiqu’il ne possède l’électricité que d’une manière particulière, à laquelle on a donné le nom de magnétisme ? La nature des matières ferrugineuses, par son affinité avec la substance du feu, est assez puissante pour fléchir la direction du cours de l’électricité générale, et même pour en ralentir le mouvement en le déterminant vers la surface de l’aimant. La lenteur de l’action magnétique, en comparaison de la violente rapidité de chocs électriques, nous représente en effet un fluide qui, tout actif qu’il est, semble néanmoins être ralenti, suspendu, et, pour ainsi dire, assoupi dans son cours.

Ainsi, je le répète, les principaux effets du magnétisme se rapprochent par une analogie marquée de ceux de l’électricité, et le grand rapport de la direction générale et commune des forces électrique et magnétique, de l’équateur aux deux pôles, les réunit encore de plus près, et semble même les identifier[2].

Si la vertu magnétique était une force résidente dans le fer ou dans l’aimant, et qui leur fût inhérente et propre, on ne pourrait la trouver ou la prendre que dans l’aimant

  1. Notre opinion est confirmée par les preuves répandues dans une dissertation de M. Æpinus, lue à l’Académie de Saint-Pétersbourg : ce physicien y a fait voir que les effets de l’électricité et du magnétisme, non seulement ont du rapport dans quelques points, mais qu’ils sont encore semblables dans un très grand nombre de circonstances des plus essentielles ; en sorte, dit-il, qu’il n’est presque pas à douter que la nature n’emploie à peu près les mêmes moyens pour produire l’une et l’autre forces.
  2. M. le comte de Tressan a pensé, comme nous, que le magnétisme n’était qu’une modification de l’électricité. Voyez son ouvrage, qui a pour titre : Essai sur le fluide électrique, considéré comme agent universel ; mais notre théorie n’en diffère pas moins de son opinion. L’hypothèse de ce physicien est ingénieuse, suppose beaucoup de connaissances et de recherches ; il présente des expériences intéressantes, de bonnes vues et des vérités importantes, mais cependant on ne peut admettre sa théorie. Elle consiste principalement à expliquer le mécanisme de l’univers, et tous les effets de l’attraction, par le moyen du fluide électrique. Mais l’action impulsive d’aucun fluide ne peut exister que par le moyen de l’élasticité ; et l’élasticité n’est elle-même qu’un effet de l’attraction, ainsi que nous l’avons ci-devant démontré. On ne fera donc que reculer la question, au lieu de la résoudre, toutes les fois qu’on voudra expliquer l’attraction par l’impulsion, dont les phénomènes sont tous dépendants de la gravitation universelle. On peut consulter, à ce sujet, l’article intitulé de l’Attraction, du Ier volume de la Physique générale et particulière de M. le comte de Lacépède.