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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/118

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En recherchant quel peut être le nombre des pôles magnétiques actuellement existants sur le globe, nous trouverons qu’il doit y en avoir deux dans chaque hémisphère ; et, de fait, les observations des navigateurs prouvent qu’il y a sur la surface du globe trois espaces plus ou moins étendus, trois bandes plus ou moins larges, dans lesquelles l’aiguille aimantée se dirige vers le nord, sans décliner d’aucun côté. Or, une bande sans déclinaison ne peut exister que dans deux circonstances : la première, lorsque cette bande suit la direction du pôle magnétique au pôle terrestre ; la seconde, lorsque cette bande se trouve à une distance de deux ou de plusieurs pôles magnétiques, telle que les forces de ces pôles se compensent et se détruisent mutuellement. Car, dans ces deux cas, le courant magnétique ne peut que suivre le courant général du fluide électrique et se diriger vers le pôle terrestre ; et l’aiguille aimantée ne déclinera dès lors d’aucun côté. D’après cette considération, on pourra voir aisément, en jetant les yeux sur un globe terrestre, qu’un pôle magnétique ne peut produire dans un hémisphère que deux bandes sans déclinaison, séparées l’une de l’autre par la moitié de la circonférence du globe. S’il y a deux pôles magnétiques, l’on pourra observer quatre bandes sans déclinaison, chaque pôle pouvant en produire deux par son action particulière ; mais alors ces quatre bandes ne seront pas placées sur la même ligne que les pôles magnétiques et le pôle de la terre ; elles seront aux endroits où les puissances des deux pôles magnétiques seront combinées avec leurs distances de manière à se détruire. Ainsi, une et deux bandes sans déclinaison ne supposent qu’un seul pôle magnétique ; trois et quatre bandes sans déclinaison en supposent deux ; et, s’il se trouvait sur le globe cinq ou six bandes sans déclinaison, elles indiqueraient trois pôles magnétiques dans chaque hémisphère. Mais, jusqu’à ce jour, l’on n’a reconnu que trois bandes sans déclinaison, lesquelles s’étendent toutes trois dans les deux hémisphères ; nous sommes par conséquent fondés à n’admettre aujourd’hui que deux pôles magnétiques dans l’hémisphère boréal, et deux autres dans l’hémisphère austral ; et, si l’on connaissait exactement la position et le nombre de ces pôles magnétiques, on pourrait bientôt parvenir à se guider sur les mers sans erreur.

On a tort de dire que les hommes donnent trop à la vaine curiosité : c’est aux besoins, à la nécessité, que les sciences et les arts doivent leur naissance et leurs progrès. Pourquoi trouvons-nous les observations magnétiques si multipliées sur les mers, et en si petit nombre sur les continents ? C’est que ces observations ne sont pas nécessaires pour voyager sur terre, mais que les navigateurs ne peuvent s’en passer ; néanmoins il serait très utile de les multiplier sur terre ; ce qui d’ailleurs serait plus facile que sur mer. Sans ce travail, auquel on doit inviter les physiciens de tous pays, on ne pourra jamais former une théorie complète sur les grandes variations de l’aiguille aimantée, ni par conséquent établir une pratique certaine et précise sur l’usage que les marins peuvent faire de leurs différentes boussoles. Cependant, en s’occupant à compléter les tables des observations, on pourra faire des cartes magnétiques plus étendues que celles que nous publions aujourd’hui, et qui indiqueraient aux navigateurs leur situation plus précisément qu’on ne l’a fait jusqu’ici par aucune autre méthode.

Les effets du magnétisme se manifestent, ou du moins peuvent se reconnaître dans toutes les parties du globe, et partout où l’on veut les exciter ou les produire : la force électrique, toujours présente, semble n’attendre, pour agir et pour produire la vertu magnétique, que d’y être déterminée par la combinaison des moyens de l’art, ou par les combinaisons plus grandes de la nature ; et, malgré ses variations, le magnétisme est encore assujetti à la loi générale qui porte et dirige la marche du fluide électrique vers les pôles de la terre.

Si les forces magnétique et électrique étaient simples, comme celles de la gravitation, elles ne produiraient aucun mouvement composé ; la direction en serait toujours droite, sans déclinaison ni inclinaison, et tous les effets en seraient aussi constants qu’ils sont variables.