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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/119

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L’attraction, la répulsion de l’aimant, son mouvement, tant en déclinaison qu’en inclinaison, démontrent donc que l’effet de cette force magnétique est un mouvement composé, une impulsion différemment dirigée ; et cette force magnétique agissant, tantôt en plus, tantôt en moins, comme la force électrique, et se dirigeant de même de l’équateur aux deux pôles, pouvons-nous douter que le magnétisme ne soit une modification, une affection particulière de l’électricité, sans laquelle il n’existerait pas ?

Les effets de cette force magnétique, étant moins généraux que ceux de l’électricité, peuvent montrer plus aisément la direction de cette force électrique. Cette direction, vers les pôles, nous est démontrée en effet par celle de l’aiguille aimantée, qui s’incline de plus en plus, et en sens contraire, vers les pôles terrestres. Et ce qui prouve encore que le magnétisme n’est qu’un effet de cette force électrique, qui s’étend de l’équateur aux pôles, c’est que des barres de fer ou d’acier, placées dans la direction de ce grand courant, acquièrent, avec le temps, une vertu magnétique plus ou moins sensible, qu’elles n’obtiennent qu’avec peine, et qu’elles ne reçoivent même en aucune manière, lorsqu’elles sont situées dans un plan trop éloigné de la direction, tant en déclinaison qu’en inclinaison, du grand courant électrique. Ce courant général, qui part de l’équateur pour se rendre aux pôles, est souvent troublé par des courants particuliers dépendants de causes locales et accidentelles. Lorsque, par exemple, le fluide électrique a été accumulé par diverses circonstances dans certaines portions de l’intérieur du globe, il se porte avec plus ou moins de violence, de ces parties où il abonde, vers les endroits où il manque. Il produit ainsi des foudres souterraines, des commotions plus ou moins fortes, des tremblements de terre plus ou moins étendus. Il se forme alors, non seulement dans l’intérieur, mais même à la surface des terrains remués par ces secousses, un courant électrique qui suit la même direction que la commotion souterraine, et cette force accidentelle se manifeste par la vertu magnétique que reçoivent des barres de fer ou d’acier, placées dans le même sens que ce courant passager et local. L’action de cette force particulière peut être non seulement égale, mais même supérieure à celle de l’électricité générale qui va de l’équateur aux pôles. Si l’on place en effet des barres de fer, les unes dans le sens du courant général de l’équateur aux pôles, et les autres dans la direction du courant particulier, dépendant de l’accumulation du fluide électrique dans l’intérieur du globe, et qui produit le tremblement de terre, ce dernier courant, dont l’effet est cependant instantané, et ne doit guère durer plus longtemps que les foudres souterraines qui le produisent, donne la vertu magnétique aux barres qui se trouvent dans sa direction, quelque angle qu’elles fassent avec le méridien magnétique, tandis que des barres entièrement semblables, et situées depuis un très long temps dans le sens de ce méridien, ne présentent aucun signe de la plus faible aimantation[1]. Ce dernier fait, qui est important, démontre le rapport immédiat du

  1. Ces faits ont été mis hors de doute par des expériences qui ont été faites par M. de Rozière, capitaine au corps royal du génie. « J’ai placé, dit cet habile physicien, le 4 juillet 1784, dans mon cabinet deux barres d’acier brut, telles que les reçoivent les marchands couteliers pour leur travail, chacune de deux pieds de longueur, de dix lignes de largeur et de trois lignes d’épaisseur, sur des cordons de soie, suspendus de manière qu’elles fussent horizontales et éloignées de six pieds de tous les corps environnants, l’une dans la direction de l’est à l’ouest, et l’autre dans le méridien magnétique : m’étant assuré, avant d’isoler ces barres, comme à l’ordinaire, qu’elles n’avaient aucune vertu magnétique, et désirant savoir s’il serait possible, avec le temps et les procédés simples que je viens de désigner, de la leur faire acquérir, j’ai, pour cet effet, répété, chaque jour, les expériences nécessaires pour m’en assurer sans en avoir rien découvert de nouveau, que le 15 octobre 1784, jour remarquable, dans lequel je fus singulièrement étonné, en réitérant les expériences que j’avais faites précédemment, et même ledit jour, entre huit et neuf heures du matin, de voir la barre placée dans la direction de l’est à l’ouest attirer très sensiblement