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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/121

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étendue de plages glacées, et qu’il est exposé pendant quelques jours de moins à l’action du soleil[1], les émanations de la chaleur, qui forment les courants électrique et magnétique, doivent s’y porter en plus grande quantité que dans l’hémisphère boréal. Les pôles magnétiques boréaux du globe sont dès lors moins puissants que les pôles magnétiques austraux. C’est l’opposé de ce qu’on observe dans les aimants, tant naturels qu’artificiels, dont le pôle boréal est plus fort que le pôle austral, ainsi que nous le prouverons dans les articles suivants ; et, comme c’est un effet constant du magnétisme que les pôles semblables se repoussent et que les pôles différents s’attirent, il n’est point surprenant que, dans quelque hémisphère qu’on transporte l’aiguille aimantée, son pôle nord se dirige vers le pôle boréal du globe, dont il diffère par la quantité de sa force, quoiqu’il porte le même nom, et qu’également son pôle sud se tourne toujours vers le pôle austral de la terre, dont la force diffère aussi par sa quantité de celle du pôle austral de l’aiguille aimantée. L’on verra donc aisément comment, par suite de l’inégalité des deux courants électriques, l’aiguille aimantée qui marque les déclinaisons se tourne toujours vers le pôle nord du globe, dans quelque hémisphère qu’elle soit placée, tandis qu’au contraire l’aiguille qui marque l’inclinaison de l’aimant s’incline vers le nord dans l’hémisphère boréal, et vers le pôle sud dans l’hémisphère austral, pour obéir à la force générale qui va de l’équateur aux deux pôles terrestres en suivant la courbure du globe, de même que les particules de limaille de fer répandues sur un aimant s’inclinent vers l’un ou l’autre des deux pôles de cet aimant, suivant qu’elles en sont plus voisines, ou que l’un des pôles a plus de supériorité sur l’autre. Ces phénomènes, dont l’explication a toujours paru difficile, sont de nouvelles preuves de notre théorie et montrent sa liaison avec les grands faits de l’histoire du globe.

Voilà donc les deux phénomènes de la direction aux pôles et de l’inclinaison à l’horizon ramenés à une cause simple, dont les effets seraient toujours les mêmes si tous les êtres organisés et toutes les matières brutes recevaient également les influences de cette force. Mais, dans les êtres vivants, la quantité de l’électricité qu’ils possèdent ou qu’ils peuvent recevoir est relative à leur organisation ; et il s’en trouve qui, comme la torpille, non seulement la reçoivent, mais semblent l’attirer au point de former une sphère particulière d’électricité, combinée avec la vertu magnétique ; comme aussi, dans les matières brutes, le fer se fait une sphère particulière d’électricité à laquelle on a donné le nom de magnétisme ; et enfin, s’il existait des corps aussi électriques que la torpille, et en assez grande quantité pour former de grandes masses, aussi considérables que celles des mines de fer en différents endroits du globe, n’est-il pas plus probable que le cours de l’électricité générale se fléchirait vers ces masses électriques comme elle se fléchit vers les grandes masses ferrugineuses qui sont à la surface du globe, et qu’elles produiraient les inflexions de cette force électrique ou magnétique en la déterminant à se porter vers ces sphères particulières d’attraction, comme vers autant de pôles électriques plus ou moins éloignés des pôles terrestres, selon le gisement des continents et la situation de ces masses électriques ?

Et, comme la situation des pôles magnétiques peut changer et change réellement, tant par les travaux de l’homme, lesquels peuvent enfouir ou découvrir les matières ferrugineuses, que par les grands mouvements de la nature dans les tremblements de terre et dans la production des basaltes et des laves, qui tous sont magnétiques, on ne doit pas être si fort émerveillé du mouvement de l’aiguille aimantée vers l’ouest ou vers l’est ; car sa direction doit varier et changer, selon qu’il se forme de nouvelles chaînes de basaltes et de laves, et qu’il se découvre de nouvelles mines dont l’action favorise ou contrarie celle des mines plus anciennes.

  1. Voyez les Époques de la Nature.