Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/138

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quelque portion de vertu magnétique. M. le chevalier de Lamanon, ayant examiné les fers employés dans tous les vaisseaux qu’il a vus dans le port de Brest, en 1785, a trouvé que tous ceux qui étaient placés verticalement avaient acquis la vertu magnétique[1]. Il faut seulement un assez long temps pour que cet effet se manifeste dans les fers qui sont gros et courts, moins de temps pour ceux qui sont longs et menus[2]. Ces derniers s’aimantent en quelques minutes, et il faut des mois et des années pour les autres. De quelque manière même que le fer ait reçu la vertu magnétique, il paraît que jusqu’à un certain point, et toutes choses égales, la force qu’il acquiert est en raison de sa longueur[3] ; les barreaux de fer qui sont aux fenêtres des anciens édifices ont souvent acquis, avec le temps, une assez grande force magnétique pour pouvoir, comme de véritables aimants, attirer et repousser d’une manière sensible l’aiguille aimantée à plusieurs pieds de distance.

Mais cette communication du magnétisme au fer s’opère très inégalement suivant les différents climats ; on s’est assuré, par l’observation, que, dans toutes les contrées des zones tempérées et froides, le fer tenu verticalement acquiert plus promptement et en plus grande mesure la vertu magnétique que dans les régions qui sont sous la zone torride, dans lesquelles même il ne prend souvent que peu ou point de vertu magnétique dans cette position verticale.

Nous avons dit que les aimants ont proportionnellement d’autant plus de force qu’ils sont en plus petit volume. Une pierre d’aimant, dont le volume excède vingt-sept ou trente pouces cubiques, peut à peine porter un poids égal à celui de sa masse, tandis que, dans les petites pierres d’aimant d’un ou deux pouces cubiques, il s’en trouve qui portent vingt, trente et même cinquante fois leur poids. Mais, pour faire des comparaisons exactes, il faut que le fer soit de la même qualité et que les dimensions et la figure de chaque morceau soient semblables et égales ; car un aimant qui soutiendrait un cube de fer du poids d’une livre ne pourra soutenir un fil de fer long d’un pied qui ne pèserait pas un gros, et si les masses à soutenir ne sont pas entièrement de fer, quoique de même forme, si, par exemple, on applique à l’aimant deux masses d’égal poids et de figure semblable, dont l’une serait entièrement de fer, et dont l’autre ne serait de fer que dans la partie supérieure, et de cuivre ou d’autre matière dans la partie inférieure, cette masse, composée de deux matières, ne sera pas attirée ni soutenue avec la même force que la masse de fer continu, et elle tiendra d’autant moins à l’aimant que la portion de fer sera plus petite, et que celle de l’autre matière sera plus grande.

Lorsqu’on divise un gros aimant en plusieurs parties, chaque fragment, quelque petit qu’il soit, aura toujours des pôles[4]. La vertu magnétique augmentera au lieu de diminuer par cette division ; ces fragments, pris séparément, porteront beaucoup plus de poids

  1. Lettre de M. le chevalier de Lamanon à M. le comte de Buffon, datée de Madère, 1785.
  2. Prenez, dit Musschenbroëck, une verge de six pieds de longueur et d’un cinquième de pouce de diamètre, tenez-la perpendiculairement à l’horizon, elle s’aimantera en une minute de temps et attirera, par son extrémité inférieure, le pôle austral de l’aiguille aimantée, et repoussera par cette même extrémité le pôle boréal. Si vous renversez la verge, vous verrez, dans moins d’une minute, que l’extrémité supérieure, devenue l’inférieure, attirera le pôle austral qu’elle repoussait auparavant. Dissert. de magnete, p. 260.
  3. Æpinus, no 152.
  4. Lorsqu’on coupe un diamant par le milieu de son axe, chacune de ses parties a constamment deux pôles et devient un aimant complet. Les parties qui étaient contiguës sous l’équateur avant la section, et qui n’étaient rien moins que des pôles, le sont devenues, et même des pôles de différents noms, en sorte que chacune de ces parties pourrait devenir également pôle boréal et pôle austral, suivant que la section se serait faite plus près du pôle austral ou du pôle boréal du grand aimant ; et la même chose arriverait à chacune de ces moitiés, si on les coupait par le milieu, de la même manière. — Extrait de l’article