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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/80

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ADDITION
À L’ARTICLE DU FELDSPATH ET DU FELDSPATH DE RUSSIE.

M. Pallas confirme par de très bonnes observations ce que j’ai dit au sujet du feldspath qui se trouve presque toujours incorporé dans les granits, et très rarement isolé : il ajoute que ces feldspaths isolés se rencontrent dans les filons de certaines mines, et que ce n’est presque qu’en Suède et en Saxe qu’on en a des exemples.

« Le feldspath, qui est la même chose que le petunsé, dont on se sert pour faire la porcelaine, est, dit ce savant naturaliste, ordinairement d’une couleur plus ou moins grise dans les granits communs ; mais il s’en trouve quelquefois en Finlande du rouge ou rougeâtre, dans un granit qui dès lors est égal en beauté au granit rouge antique. Lorsque le feldspath se trouve mêlé, comme c’est le plus ordinaire, dans nos granits avec le quartz et le mica, on le voit quelquefois former des masses de plusieurs pouces cubes ; mais plus souvent il n’est qu’en grains et représente fréquemment de vrais granitelles. C’est une espèce de granit, coupé de grosses veines de quartz demi-transparent, qui fournit, aux environs de Catherinebourg, la pierre connue sous le nom d’alliance, dont on ne connaît presque pas d’autres exemples.

» Il est très rare, dans l’empire de Russie, de trouver de ces granits simples, c’est-à-dire uniquement composés de quartz et de feldspath ; il est encore plus rare de trouver des roches presque purement composées de feldspath en cristallisations plus ou moins confuses : cependant je connais un exemple d’un tel granit sur le Selengha, près la ville de Selenghinsk, où il y a des montagnes en partie purement composées de feldspath gris, qui se décompose en gravier et en sable.

» Un second exemple d’une roche de feldspath presque pure est cette pierre chatoyante analogue à la pierre de Labrador qu’on a découverte aux environs de Pétersbourg : la couleur obscure, le chatoiement et la pâte de cette pierre la rendent si semblable à celle que les frères Moraves ont découverte sur la côte des Esquimaux, et débitée sous le nom de Labrador, qu’à l’aspect des premiers échantillons que j’en vis, je fut tenté de les déclarer étrangères et véritables pierres de Labrador ; mais, par une comparaison plus attentive, l’on trouve bientôt que le feldspath chatoyant de Russie est :

» 1o Plus dur, moins facile à entamer par la lime et à se diviser en éclats ;

» 2o Qu’il montre constamment une cristallisation plus ou moins confuse, en petits losanges ou parallélipipèdes allongés, qui n’ont ordinairement que quelques lignes d’épaisseur, tandis que la pierre de Labrador offre quelquefois des cristaux de plusieurs pouces, et par cette raison des plans chatoyants d’une plus grande étendue ;

» 3o Que le feldspath de Russie se trouve en blocs considérables qui semblent avoir été détachés de rochers entiers, tandis qu’on n’a trouvé la pierre de Labrador qu’en cailloux roulés, depuis la grosseur d’une noisette jusqu’à celle d’un petit melon, qui semblent avoir appartenu à un filon et offrent souvent des traces de mine de fer.

» Les blocs de feldspath qui ont été trouvés entre Pétersbourg et Péterhoff ne sont cependant pas là dans leur sol natal, mais ont été charriés de loin et déposés par quelque inondation violente, aussi bien que ces autres innombrables blocs de granits et d’autres roches qu’on trouve semés sur les plaines de la Finlande, et jusqu’aux montagnes de Valdaï… Je crois qu’il faudra chercher la véritable patrie de cette pierre chatoyante parmi les montagnes granitiques qui bordent la mer Blanche, depuis Soroka jusqu’à Umba.