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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/100

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d’une couleur bleuâtre, mais il n’a pas comme lui les pieds bleus, il les a jaunes comme le pygargue : son bec, cendré à son origine, et d’un jaune pâle à son bout, semble participer, pour les couleurs du bec, des aigles et des pygargues ; et ces différences indiquent assez que cet oiseau est d’une espèce particulière : c’est vraisemblablement l’oiseau de proie le plus remarquable de cette contrée des Indes, puisque les Malabares en ont fait une idole et lui rendent un culte[1] ; mais c’est plutôt par la beauté de son plumage que par sa grandeur ou sa force, qu’il a mérité cet honneur : on peut dire en effet que c’est l’un des plus beaux oiseaux du genre des oiseaux de proie.

II. — L’oiseau de l’Amérique méridionale, que Marcgrave a décrit sous le nom urutaurana (ouroutaran), que lui donnent les Indiens du Brésil, et que Fernandès a indiqué par le nom yzquautzli, qu’il porte au Mexique. — C’est celui que nos voyageurs français ont appelé aigle d’Orénoque[2] : les Anglais ont adopté cette dénomination[3], et l’appellent orenoko-eagle[NdÉ 1]. Il est un peu plus petit que l’aigle commun, et approche de l’aigle tacheté, ou petit aigle, par la variété de son plumage ; mais il a pour caractères propres et spécifiques les extrémités des ailes et de la queue bordées d’un jaune blanchâtre, deux plumes noires, longues de plus de deux pouces, et deux autres plumes plus petites, toutes quatre placées sur le sommet de la tête, et qu’il peut baisser ou relever à sa volonté ; les jambes couvertes jusqu’aux pieds de plumes blanches et noires, posées comme des écailles ; l’iris de l’œil

  1. L’aigle malabare est également beau et rare ; sa tête, son cou et toute sa poitrine sont couverts de plumes très blanches, plus longues que larges, dont la tige et la côte sont d’un beau noir de jais ; le reste du corps est couleur de marron lustré, moins foncé sous les ailes que dessus ; les six premières plumes de l’aile sont noires au bout, la peau autour du bec est bleuâtre, le bout du bec est jaune, tirant sur le vert ; les pieds sont jaunes, les ongles noirs ; cet animal a le regard perçant, il est de la grosseur d’un faucon : c’est une espèce de divinité adorée par les Malabares ; on en trouve aussi dans le royaume de Visapour et sur les terres du Grand Mogol. Ornithol. de Salerne, p. 8.
  2. Il passe assez souvent de la terre ferme aux îles Antilles une sorte de gros oiseau, qui doit tenir le premier rang entre les oiseaux de proie de l’Amérique : les premiers habitants du Tabago l’ont nommé l’aigle d’Orénoque, à cause qu’il est de la grosseur et de la figure d’un aigle, et qu’on tient que cet oiseau, qui n’est que passager en cette île, se voit communément en cette partie de l’Amérique méridionale, qui est arrosée de la grande rivière d’Orénoque ; tout son plumage est d’un gris clair marqueté de taches noires, hormis que les extrémités de ses ailes et de sa queue sont bordées de jaune : il a les yeux vifs et perçants ; les ailes fort longues, le vol rapide et prompt, vu la pesanteur de son corps : il se repaît d’autres oiseaux sur lesquels il fond avec furie, et après les avoir atterrés, il les déchire en pièces et les avale… Il attaque les aras, les perroquets… On a remarqué qu’il ne se jette pas sur son gibier tandis qu’il est à terre ou qu’il est posé sur quelque branche, mais qu’il attend qu’il ait pris l’essor pour le combattre en l’air. Du Tertre, Hist. nat. des Antilles, p. 159. — Nota. Rochefort a copié ceci mot pour mot dans la Relation de l’île de Tabago, p. 30 et 31.
  3. Voyez Browne, Nat. Hist. of Jamaica, p. 471.
  1. C’est l’Harpyia ferox Less. ou Falco destructor Daud. [Note de Wikisource : actuellement, Harpia harpyja Linnæus, vulgairement harpie féroce].