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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/117

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la queue sont toujours noires, aussi bien que les grandes plumes des ailes, lesquelles sont ordinairement bordées de gris ; la couleur des pieds et des ongles n’est pas la même dans tous ces oiseaux ; les uns ont les pieds d’un blanc sale ou jaunâtre et les ongles noirâtres ; d’autres ont les pieds et les ongles rougeâtres, les ongles sont fort courts et peu crochus.

Cet oiseau est de l’Amérique méridionale, et non pas des Indes orientales, comme quelques auteurs l’ont écrit[1] : celui que nous avons au Cabinet du roi a été envoyé de Cayenne. Navarette, en parlant de cet oiseau, dit[2] : « J’ai vu à Acapulco le roi des zopilotes ou vautours ; c’est un des plus beaux oiseaux qu’on puisse voir, etc. » Le sieur Perry, qui fait à Londres commerce d’animaux étrangers, a assuré à M. Edwards que cet oiseau vient uniquement de l’Amérique : Hernandès, dans son Histoire de la Nouvelle-Espagne, le décrit de manière à ne pouvoir s’y méprendre ; Fernandès, Nieremberg et de Laët[3], qui tous ont copié la description de Hernandès, s’accordent à dire que cet oiseau est commun dans les terres du Mexique et de la Nouvelle-Espagne ; et comme, dans le dépouillement que j’ai fait des ouvrages des voyageurs, je n’ai pas trouvé la plus légère indication de cet oiseau dans ceux de l’Afrique et de l’Asie, je pense qu’on peut assurer qu’il est propre et particulier aux terres méridionales du nouveau continent, et qu’il ne se trouve pas dans l’ancien ; on pourrait m’objecter que puisque l’ouroutaran ou aigle du Brésil se trouve, de mon aveu, également en Afrique et en Amérique, je ne dois pas assurer que le roi des vautours ne s’y trouve pas aussi ; la distance entre les deux continents est égale pour ces deux oiseaux, mais probablement la puissance du vol est inégale[4], et les aigles en général vo-

  1. Albin dit que celui qu’il a dessiné était venu des Indes orientales par un vaisseau hollandais appelé le Pallampanck, part. iii, p. 2, no 4. M. Edwards dit aussi que les gens qui montraient ces oiseaux à la foire de Londres assuraient qu’ils venaient des Indes orientales ; mais que néanmoins il croit qu’ils sont de l’Amérique.
  2. Voyez le Recueil des voyages, par Purchas, p. 753.
  3. Il y a dans la Nouvelle-Espagne une incroyable abondance et variété de beaux oiseaux, entre lesquels on estime exceller le cosquauhtli ou aura, comme les Mexicains le nomment, de la grandeur d’une poule d’Égypte, qui a les plumes noires par tout le corps, excepté au cou et autour de la poitrine où elles sont d’un noir rougissant ; les ailes sont noires et mêlées de couleur cendrée, pourpre et fauve au reste ; les ongles sont recourbés, le bec, semblable au papagais, rouge au bout, les trous des narines ouverts, les yeux noirs, les prunelles fauves, les paupières de couleur rouge, et le front d’un rouge de sang et rempli de plusieurs rides, lesquelles il fronce et ouvre à la façon des coqs d’Inde, où il y a quelque peu de poil crépu comme celui des nègres ; la queue est semblable à celle d’un aigle, noire dessus et cendrée dessous… Il y a un autre oiseau de même espèce que les Mexicains nomment tzopilotl. De Laët, Hist. du Nouveau-Monde, liv. v, chap. iv, p. 143 et 144. — Nota. Ce second oiseau, appelé tzopilotl par les Mexicains, est un vautour ; car celui qu’on appelle roi des vautours a été aussi nommé roi des zopilotls.
  4. Hernandès dit néanmoins que cet oiseau s’élève fort haut, en tenant les ailes très étendues, et que son vol est si ferme qu’il résiste aux plus grands vents. On pourrait croire que Nieremberg l’a appelé regina aurarum parce qu’il surmonte la force du vent par celle de son vol ; mais ce nom aura n’est pas dérivé du latin ; il vient par contraction d’ouroua, qui est le nom indien d’un autre vautour dont nous parlerons dans l’article suivant.