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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/118

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lent beaucoup mieux que les vautours : quoi qu’il en soit, il paraît que celui-ci est confiné dans les terres où il est né, et qui s’étendent du Brésil à la Nouvelle-Espagne, car on ne le trouve plus dans les pays moins chauds, il craint le froid ; ainsi, ne pouvant traverser la mer au vol entre le Brésil et la Guinée, et ne pouvant passer par les terres du Nord, cette espèce est demeurée en propre au nouveau monde et doit être ajoutée à la liste de celles qui n’appartiennent point à l’ancien continent.

Au reste, ce bel oiseau n’est ni propre, ni noble, ni généreux ; il n’attaque que les animaux les plus faibles, et ne se nourrit que de rats, de lézards, de serpents et même des excréments des animaux et des hommes : aussi a-t-il une très mauvaise odeur, et les sauvages mêmes ne peuvent manger de sa chair.

IV. — L’oiseau appelé ouroua ou aura[NdÉ 1] par les Indiens de Cayenne, urubu[NdÉ 2] (ouroubou) par ceux du Brésil, zopilotl par ceux du Mexique, et auquel nos Français de Saint-Domingue et nos voyageurs ont donné le surnom de marchand. C’est encore une espèce qu’on doit rapporter au genre des vautours, parce qu’il est du même naturel, et qu’il a, comme eux, le bec crochu et la tête et le cou dénués de plumes ; quoique par d’autres caractères il ressemble au dindon, ce qui lui a fait donner par les Espagnols et les Portugais le nom de gallinaça ou gallinaço ; il n’est guère que de la grandeur d’une oie sauvage ; il paraît avoir la tête petite, parce qu’elle n’est couverte, ainsi que le cou, que de la peau nue, et semée seulement de quelques poils noirs assez rares ; cette peau est raboteuse et variée de bleu, de blanc et de rougeâtre ; les ailes, lorsqu’elles sont pliées, s’étendent au delà de la queue, qui cependant est elle-même assez longue ; le bec est d’un blanc jaunâtre, et n’est crochu qu’à l’extrémité ; la peau nue qui en recouvre la base s’étend presque au milieu du bec, et elle est d’un jaune rougeâtre ; l’iris de l’œil est orangé, et les paupières sont blanches ; les plumes de tout le corps sont brunes et noirâtres, avec un reflet de couleur changeante de vert et de pourpre obscurs ; les pieds sont d’une couleur livide, et les ongles sont noirs ; cet oiseau a les narines encore plus longues à proportion que les autres vautours[1] ; il est aussi plus lâche, plus sale et plus vorace qu’aucun d’eux, se nourrissant plutôt de chair morte et de vidanges que de chair vivante ; il a néanmoins le vol élevé et assez rapide pour poursuivre une proie s’il en avait le

  1. J’ai cru devoir donner une courte description de cet oiseau, parce que j’ai trouvé que celles des autres auteurs ne s’accordent pas parfaitement avec ce que j’ai vu ; cependant, comme il n’y a que de légères différences, il est a présumer que ce sont des variétés individuelles, et par conséquent leurs descriptions peuvent être aussi bonnes que la mienne.
  1. C’est le Vultur aura L. [Note de Wikisource : actuellement Cathartes aura Linnæus, vulgairement vautour aura ou urubu à tête rouge].
  2. Buffon confond à tort l’Aura et l’Urubu ; ce dernier est le Vultur jota de Ch. Bonaparte. [Note de Wikisource : Le nom d’urubu est aujourd’hui donné à quatre espèces d’oiseaux répartis entre deux genres. L’urubu de Buffon est actuellement nommé Cathartes aura jota Molina, et est donc considéré comme une sous-espèce du vautour aura]