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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/121

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rassemblent et viennent fondre dessus au nombre de cent, et quelquefois même davantage ; elles ont l’œil si excellent qu’elles découvrent leur proie à une extrême hauteur, et dans le temps qu’elles-mêmes échappent à la vue la plus perçante, et aussitôt qu’elles voient le moment favorable, elles tombent perpendiculairement sur l’animal qu’elles guettent ; ces aigles sont un peu plus grosses que les oies sauvages, leurs plumes sont en partie noires, et en partie d’un gris clair, mais la partie noire est la plus grande ; elles ont le bec gros, crochu et fort pointu ; leurs serres sont grosses et aiguës[1]. »

« Cet oiseau, dit Catesby, pèse quatre livres et demie ; il a la tête et une partie du cou rouges, chauves et charnues comme celui d’un dindon, clairement semées de poils noirs ; le bec de deux pouces et demi de long, moitié couvert de chair, et dont le bout, qui est blanc, est crochu comme celui d’un faucon ; mais il n’a point de crochets aux côtés de la mandibule supérieure ; les narines sont très grandes et très ouvertes, placées en avant à une distance extraordinaire des yeux ; les plumes de tout le corps ont un mélange de pourpre foncé et de vert ; ses jambes sont courtes et de couleur de chair, ses doigts longs comme ceux des coqs domestiques, et ses ongles, qui sont noirs, ne sont pas si crochus que ceux des faucons ; ils se nourrissent de charognes et volent sans cesse pour tâcher d’en découvrir ; ils se tiennent longtemps sur l’aile, et montent et descendent d’un vol aisé, sans qu’on puisse s’apercevoir du mouvement de leurs ailes ; une charogne attire un grand nombre de ces oiseaux, et il y a du plaisir à être présent aux disputes qu’ils ont entre eux en mangeant[2] : un aigle préside souvent au festin et les fait tenir à l’écart pendant qu’il se repaît ; ces oiseaux ont un odorat merveilleux : il n’y a pas plus tôt une charogne, qu’on les voit venir de toutes parts en tournant toujours, et descendant peu à peu jusqu’à ce qu’ils tombent sur leur proie ; on croit généralement qu’ils ne mangent rien qui ait vie, mais je sais qu’il y en a qui ont tué des agneaux, et que les serpents sont leur nourriture ordinaire. La coutume de ces oiseaux est de se jucher plusieurs ensemble sur des vieux pins et des cyprès, où ils restent le matin pendant plusieurs heures les ailes déployées[3] : ils ne craignent guère le danger et se laissent approcher de près, surtout lorsqu’ils mangent. »

Nous avons cru devoir rapporter au long tout ce que l’on sait d’historique au sujet de cet oiseau, parce que c’est souvent des pays étrangers, et sur-

  1. Description du cap de Bonne-Espérance, par Kolbe, t. III, p. 158 et 159.
  2. Ce fait est contraire à ce que disent Nieremberg, Marcgrave et Desmarchais, du silence et de la concorde de ces oiseaux en mangeant.
  3. Par cette habitude des ailes déployées, il paraît encore que ces oiseaux sont du genre des vautours, qui tous tiennent leurs ailes étendues lorsqu’ils sont posés.