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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/159

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la honte que la guerre ; il le traite comme un lâche, le chasse, le frappe avec dédain, et ne le met point à mort, parce que le milan se défend mal, et que probablement sa chair répugne au faucon encore plus que sa lâcheté ne lui déplaît[NdÉ 1].

Les gens qui habitent dans le voisinage de nos grandes montagnes, en Dauphiné, Bugey, Auvergne et au pied des Alpes, peuvent s’assurer de tous ces faits[1]. On a envoyé de Genève à la fauconnerie du roi de jeunes faucons pris dans les montagnes voisines au mois d’avril, et qui paraissent avoir acquis toutes les dimensions de leur taille et toutes leurs forces avant le mois de juin. Lorsqu’ils sont jeunes, on les appelle faucons-sors, comme l’on dit harengs-sors, parce qu’ils sont alors plus bruns que dans les années suivantes ; et l’on appelle les vieux faucons hagards, qui ont beaucoup plus de blanc que les jeunes[2] ; le faucon qui est de la seconde année a encore un assez grand nombre de taches brunes sur la poitrine et sur le ventre ; à la troisième année, ces taches diminuent, et la quantité du blanc sur le plumage augmente.

Comme ces oiseaux cherchent partout les rochers les plus hauts, et que la plupart des îles ne sont que des groupes et des pointes de montagnes, il y en a beaucoup à Rhodes, en Chypre, à Malte et dans les autres îles de la Méditerranée, aussi bien qu’aux Orcades et en Islande ; mais on peut croire que, suivant les différents climats, ils paraissent subir des variétés différentes dont il est nécessaire que nous fassions quelque mention.

Le faucon qui est naturel en France est gros comme une poule : il a dix-huit pouces de longueur, depuis le bout du bec jusqu’à celui de la queue, et autant jusqu’à celui des pieds ; la queue a un peu plus de cinq pouces de longueur, et il a près de trois pieds et demi de vol ou d’envergure ; ses ailes, lorsqu’elles sont pliées, s’étendent presque jusqu’au bout de la queue ; je ne dirai rien des couleurs, parce qu’elles changent aux différentes mues, à mesure que l’oiseau avance en âge. J’observerai seulement que la couleur

  1. Ils m’ont été rendus par des témoins oculaires, et particulièrement par M. Hébert, que j’ai déjà cité plus d’une fois, et qui a chassé pendant cinq ans dans les montagnes du Bugey.
  2. Puisque le faucon-sors et le faucon-hagard ou bossu ne sont que le même faucon, jeune et vieux, on ne doit pas en faire des variétés dans l’espèce.
  1. Le faucon détruit un nombre d’oiseaux d’autant plus considérable que, d’après divers observateurs, il ne chasse pas seulement pour lui-même, mais entretient un certain nombre d’autres espèces de Rapaces et surtout des milans. « Ces oiseaux paresseux et inhabiles, dit Naumann, cité par Brehm, se tiennent perchés sur les tours, les points culminants du terrain ; ils observent le faucon, et dès qu’ils lui voient une proie, ils accourent et la lui enlèvent. Le faucon, d’ordinaire si courageux, si hardi, lorsqu’il voit venir ces hôtes indiscrets abandonne sa proie, et, répétant son cri kiah, kiah, remonte dans les airs. Le milan noir (Hydroictinia atra [Note de Wikisource : actuellement Milvus migrans]) lui-même, que met en fuite une poule défendant ses poussins, lui ravit sa capture. » Brehm ajoute qu’il a vu lui-même un faucon voyageur capturer successivement trois oies dans l’espace de quelques minutes, et les abandonner toutes trois à des milans parasites (Hydroictinia parasitica [Note de Wikisource : actuellement Milvus aegyptius parasiticus]).