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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/170

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tout de même ; il se perche sur les troncs des arbres et sur les branches sèches qui donnent sur l’eau dans les criques, les rivières ou au bord de la mer ; et dès que ces oiseaux voient quelques petits poissons auprès d’eux, ils volent à fleur d’eau, les enfilent avec leurs griffes, et s’élèvent aussitôt en l’air sans toucher l’eau de leurs ailes. » Il ajoute « qu’ils n’avaient pas le poisson tout entier, comme font les autres oiseaux qui en vivent, mais qu’ils le déchirent avec leur bec, et le mangent par morceaux. »


LE HOBEREAU

Le hobereau[NdÉ 1] est bien plus petit que le faucon, et en diffère aussi par les habitudes naturelles : le faucon est plus fier, plus vif et plus courageux ; il attaque des oiseaux beaucoup plus gros que lui. Le hobereau est plus lâche de son naturel, car, à moins qu’il ne soit dressé, il ne prend que les alouettes et les cailles ; mais il sait compenser le défaut de courage et d’ardeur par son industrie : dès qu’il aperçoit un chasseur et son chien, il les suit d’assez près ou plane au-dessus de leur tête, et tâche de saisir les petits oiseaux qui s’élèvent devant eux ; si le chien fait lever une alouette, une caille, et que le chasseur la manque, il ne la manque pas : il a l’air de ne pas craindre le bruit et de ne pas connaître l’effet des armes à feu, car il s’approche de très près du chasseur, qui le tue souvent lorsqu’il ravit sa proie ; il fréquente les plaines voisines des bois, et surtout celles où les alouettes abondent ; il en détruit un très grand nombre, et elles connaissent si bien ce mortel ennemi, qu’elles ne l’aperçoivent jamais sans le plus grand effroi, et qu’elles se précipitent du haut des airs pour se cacher sous l’herbe ou dans des buissons : c’est la seule manière dont elles puissent échapper ; car quoique l’alouette s’élève beaucoup, le hobereau vole encore plus haut qu’elle, et on peut le dresser au leurre comme le faucon et les autres oiseaux du plus haut vol ; il demeure et niche dans les forêts, où il se perche sur les arbres les plus élevés. Dans quelques-unes de nos provinces, on donne le nom de hobereau[1] aux petits seigneurs qui tyrannisent leurs paysans, et plus particulièrement au gentilhomme à lièvre, qui va chasser chez ses voisins sans en être prié, et qui chasse moins pour son plaisir que pour son profit.

  1. Ce nom de hobereau, appliqué aux gentilshommes de campagne, peut venir aussi de ce qu’autrefois tous ceux qui n’étaient point assez riches pour entretenir une fauconnerie se contentaient d’élever des hobereaux pour la chasse.
  1. Le hobereau commun est l’Hypotriorchis Subbuteo des ornithologistes modernes (Falco Subbuteo de Linné) [Note de Wikisource : actuellement Falco subbuteo Linnæus]. Les hobereaux ou faucons des arbres se distinguent des faucons par une taille moindre, des formes plus allongées, des ailes en faucille.